Quatre questions sur le rapprochement diplomatique entre la Corée du Nord et la Corée du Sud

Des relations en voie de réchauffement ? Séoul a proposé, mardi 2 janvier, de tenir des discussions avec Pyongyang le 9 janvier, saisissant la main tendue par Kim Jong-un lors de son discours de vœux pour la nouvelle année.

Il y appelait à de meilleures relations entre les deux Corées et a également évoqué une participation de son pays aux Jeux olympiques d’hiver en février en Corée du sud. Mercredi, les deux Corées ont remis en service un téléphone rouge transfrontalier fermé depuis 2016. Et si les discussions proposées ont lieu la semaine prochaine, il s’agira de la première réunion à haut niveau depuis la réunion vice-ministérielle de décembre 2015. Ces échanges interviennent après une année de tensions dans la péninsule coréenne. En novembre, la Corée du Nord a testé son plus puissant missile balistique intercontinental et a affirmé être devenue une puissance nucléaire. Franceinfo répond à quatre questions sur ce dégel diplomatique entre les deux Corées.

Dans quel contexte intervient cet apaisement ? 

Cette retombée des tensions entre les deux Corée arrive 40 jours avant les Jeux olympiques d’hiver, qui doivent débuter le 9 février à Pyeongchang en Corée du Sud. Le président sud-coréen Moon Jae-in, qui a toujours été un partisan du dialogue, a poussé à plusieurs reprises pour que la Corée du Nord participe à ces JO, pour rétablir les liens avec la Corée du Nord, et éviter que les Jeux ne soient troublés par de nouveaux tests nucléaires. 

« Moon Jae-in, qui a été élu en mai 2017, est le premier président progressiste en Corée du Sud depuis dix ans. L’évolution majeure porte sur l’engagement au dialogue », explique à franceinfo Antoine Bondaz, spécialiste de la Corée du Nord et chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique.

Choi Moon-soon, le gouverneur de la province Gangwon où se tiendront les Jeux olympiques, aurait ainsi rencontré le 18 décembre dernier un responsable des sports nord-coréen, Mun Woong, en marge d’un tournoi de football auquel les deux Corées participaient, selon le quotidien sud-coréen Dong-A Ilbo

Il s’agit également de rétablir les relations inter-coréennes, qui sont à leur plus bas depuis les années 1990. « Aujourd’hui, il n’y a plus aucune coopération » entre le Nord et le Sud, décrit Antoine Bondaz. D’où l’initiative du gouvernement de Moon Jae-in de proposer la reprise des réunions de familles séparées par la guerre de Corée, refusée par la Corée du Nord, puis de proposer à son voisin de participer aux Jeux de Pyeongchang.

Kim Jong-un s’est empressé de saisir la main tendue par Séoul. Dans son discours de vœux prononcé lundi 1er janvier, le leader nord-coréen a estimé que les Jeux pourraient fournir l’occasion pour les représentants des deux pays de « se rencontrer dans un avenir proche »« Puisque nous sommes compatriotes et du même sang que les Sud-Coréens, il est naturel que nous partagions le plaisir de cet événement prometteur et que nous les aidions », a poursuivi Kim Jong-un. 

A quoi pourraient ressembler les discussions ? 

« Le gouvernement propose des entretiens à haut niveau avec la Corée du Nord le 9 janvier dans la maison de la paix de Panmunjeom », village frontalier où fut signé le cessez-le-feu de la guerre de Corée (1950 – 1953), a annoncé mardi le gouvernement sud-coréen.

Ces discussions pourraient être l’occasion de régler des détails logistiques de l’envoi d’une délégation nord-coréenne, à moins de 40 jours de l’ouverture des Jeux, et notamment le transfert des athlètes. Mais Séoul souhaite aussi évoquer la possibilité des deux délégations coréennes marchant ensemble pendant la cérémonie d’ouverture, évoque The New York Times, qui rappelle qu’aux Jeux olympiques de 2004, les deux délégations avaient défilé ensemble sous le nom « Corée » et sous le drapeau de l’unification coréenne. 

Mercredi, à 7h30 (heure française), le canal de communication transfrontalier a été remis en service, après quasiment deux ans de fermeture. « La conversation téléphonique a duré 20 minutes », a déclaré un responsable sud-coréen, sans autre précision dans l’immédiat.

Le président sud-coréen a toutefois souligné que l’amélioration des relations devait s’accompagner de mesures en vue de la dénucléarisation.

Comment ce rapprochement est-il perçu ?

Pékin, le principal allié de Pyongyang, a salué ces développements. La Chine souhaite que « les deux parties profitent de cette occasion de faire des efforts concrets pour améliorer leurs relations (…) et de parvenir à la dénucléarisation de la péninsule », selon le porte-parole de la diplomatie chinoise, Geng Shuang.

Du côté des Etats-Unis, Washington a balayé la perspective d’un dialogue inter-coréen. L’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, a jugé qu’il ne s’agissait que d’un simple « rafistolage ». Le puissant sénateur républicain Lindsey Graham a même suggéré que les Etats-Unis boycottent les Jeux olympiques d’hiver si la Corée du Nord y prenait part. « Autoriser la Corée du Nord de Kim Jong-un à participer aux JO donnerait une légitimité au régime le plus illégitime de la planète », s’est-il exprimé sur Twitter.

Donald Trump, lui, s’est contenté d’un tweet pour réagir à une autre déclaration de Kim Jong-un, dans son style très personnel. « Le leader nord-coréen Kim Jong-un vient d’affirmer que le ’bouton nucléaire est sur son bureau en permanence’. Qu’un membre de son régime affamé et épuisé l’informe que moi aussi j’ai un bouton nucléaire, mais il est beaucoup plus gros et plus puissant que le sien, et il fonctionne ! », a écrit le président américain.

Et après les Jeux olympiques d’hiver ? 

Cela ne serait pas la première fois que la participation de la Corée du Nord à une compétition sportive internationale permettrait d’atténuer les tensions avec ses voisins. « Ces rencontres sportives peuvent servir de plateforme pour des rencontres beaucoup plus importantes entre officiels. C’est imaginable d’avoir une délégation politique nord-coréenne qui se rende à Pyeongchang sur le modèle de ce qui s’était passé en 2014″, estime Antoine Bondaz. La Corée du Nord avait en effet envoyé une délégation sportive aux Jeux asiatiques en Corée du Sud, alors que les tensions étaient vives. Mais même si un dialogue inter-coréen est amorcé, cela ne veut pour l’instant en aucun cas dire une levée des sanctions, insiste le chercheur. « L’objectif à très court terme c’est de favoriser le dialogue. Les négotiations viendront, seulement plus tard », conclut-il.

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