Les Albanais quittent en masse leur pays et cherchent asile en France

L’Albanie est le premier pays d’origine des demandeurs d’asile en France en 2017. Pourquoi fuient-ils ce pays considéré comme « sûr » par l’Union européenne ?

Qu’est-ce qui pousse les Albanais à chercher refuge en France ? L’Albanie a été le premier pays d’origine des demandeurs d’asile en 2017, avec 7 630 demandes répertoriées dans l’hexagone, soit une hausse de 66%, selon les chiffres de l’OFPRA publiés ce lundi. Devant l’Afghanistan, Haïti, et le Soudan. Le pays des Aigles, pourtant épargné par la guerre, est considéré comme un pays « sûr » par la France.

« L’instinct de survie est plus fort que le pouvoir de la raison, observe le sociologue Roland Lami interrogé par le site Balkan Insight. Les gens vivent en dessous des conditions minimales de survie. Ils sont prêts à tout pour fuir les difficultés économiques de l’Albanie, même s’ils savent que leurs chances de succès pour obtenir l’asile sont proches de zéro ».

  « Les Albanais fuient la pauvreté et le chômage », confirme Nathalie Clayer, spécialiste de l’Albanie à l’EHESS. Ce petit pays montagneux et rural est l’un des plus pauvres en Europe, avec un salaire moyen de moins de 350 euros par mois. Le taux de chômage des jeunes dépassait les 33 % en 2017 selon la Banque Mondiale.

Un pays qui se vide de sa jeunesse

Le pays a le taux d’émigration le plus important en Europe: un tiers de la population a quitté l’Albanie au cours des 25 dernières années, selon le site Migration Policy. Résultat, l’Albanie qui comptait 3,5 millions d’habitants au début des années 1990, en compte moins de 3 millions aujourd’hui. Et la moyenne d’âge qui dans les années 1990 était parmi les plus basses d’Europe (28 ans), est désormais à plus de 37 ans.

L’exode des Albanais est loin d’être neuf. « L’Albanie a toujours été un pays d’émigration », poursuit la chercheuse. Le phénomène a été interrompu pendant les 45 ans de régime communiste -l’un des plus fermés en Europe. « Le régime contrôlait même les migrations intérieures, limitant ainsi l’exode rural vers les villes », note Nathalie Clayer. La chute de la dictature en 1991 a aussitôt entraîné un afflux de migrants hors du pays, vers l’Italie et la Grèce principalement.

Depuis les années 1990, environ 600 000 Albanais se sont établis en Italie, 500 000 en Grèce, d’après les chiffres de Migration Policy. Une partie de ceux qui s’étaient installés en Grèce sont revenus au pays en raison de la crise qui a frappé ce pays à partir de 2008.

Outre la crise de 2008 qui a enrayé un début d’amélioration de la situation économique de l’Albanie, l’immobilisme politique contribue probablement à la poursuite de l’exode, avance Nathalie Clayer. « l’alternance politique, il y a quatre ans, n’a pas apporté de changement à la situation dans le pays. La corruption et le clientélisme sont toujours aussi élevés ».