Macron tente de percer la Grande Muraille économique

Arrivé par la route de la soie, Emmanuel Macron tente de percer à Pékin la Grande Muraille économique.

Après un atterrissage sous le signe de l’histoire, à Xi’an, capitale du premier empereur, le président français est entré dans le vif du sujet mardi, lors de la deuxième journée de sa visite dans le pays le plus peuplé du monde. Avec pour ambition d’établir un partenariat plus « équilibré » avec la deuxième économie mondiale, auprès de laquelle la France enregistre un déficit commercial de 30 milliards d’euros.

Face à son homologue Xi Jinping et aux grands patrons chinois, comme Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, il a affiché un volontarisme combatif en exigeant un meilleur accès pour les entreprises françaises. « Nous faisons face à un double déséquilibre : pas assez d’investissements chinois en France et, sur le plan commercial, un accès au marché qui n’est pas satisfaisant. Ouvrons des deux côtés ! » a déclaré le chef de l’État, dans un discours prononcé dans un incubateur de start-up, au look futuriste, du cœur de Pékin. Sans éluder les problèmes de surcapacité de l’industrie chinoise, qu’il a combattus à Bruxelles, et les violations récurrentes de la propriété intellectuelle dont sont victimes des marques étrangères dans l’empire du Milieu. « Il faut se dire les choses, car il y a eu des défiances par le passé », a ajouté Macron.

Gros contrats

Un positionnement offensif enrobé dans un discours placé sous le signe du « gagnant-gagnant », slogan favori des autorités chinoises, appelant à de nouveaux investissements chinois en France, dans le sillage du rachat du Club Med par le groupe Fosun, présenté en exemple. Et de miser sur les partenariats dans les secteurs porteurs du futur comme le tourisme, le luxe, le digital ou l’intelligence artificielle avec l’ambition de créer un « écosystème franco-chinois », capable de rivaliser avec les mastodontes américains. À l’image du moteur de recherche Qwant qui ouvre un laboratoire à Suzhou. « Il y a des centaines de start-up françaises qui investissent en Chine, il nous en faut des milliers », a déclaré Macron à l’issue d’une table ronde animée par le vibrionnant mathématicien et député LREM Cédric Villani, habillé de son costume trois-pièces.

Mais, en fin de journée, la réalité implacable du « capitalisme » rouge reprenait le dessus sous les lustres kitsch du soviétique palais du Peuple. Assis aux côtés de l’oncle Xi, au regard matois, à une immense table couverte de bouquets de fleurs, le jeune dirigeant français a présidé une séance de signatures de contrats moins juteux que ne l’avait espéré l’Élysée. Principale satisfaction, le nucléaire civil avec la promesse d’un contrat de construction d’une usine de retraitement de déchets pour Areva, sur le modèle de La Hague. Un serpent de mer en négociation depuis une décennie. « Cela représente un montant de 10 milliards d’euros immédiats, cela sauvera la filière », s’est félicité dans la délégation le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, pressé d’agiter un trophée. Du côté d’Areva, on se montre plus prudent, attendant un contrat ferme annoncé « pour le printemps ». Autre bonne nouvelle pour la filière, le réacteur EPR, construit par EDF dans le sud de la Chine, devrait démarrer dans environ six mois, a fait savoir l’Élysée. Ce serait le premier EPR opérationnel dans le monde, avant ceux en chantier à Flamanville et en Finlande, qui ont enregistré de nombreux retards et surcoûts.

Au rayon des déceptions, l’aéronautique civile. Airbus devrait rentrer bredouille, pas de commande, seulement l’extension de son usine à Tianjin. La « faute » d’Angela Merkel, qui avait raflé une commande de 140 appareils en accueillant Xi Jinping en juillet dernier en Allemagne. Pékin ne comptait pas remettre la main à la poche aussi rapidement, mais Emmanuel Macron se console avec une autre percée prometteuse dans l’agroalimentaire : la levée de l’embargo sur la viande bovine. Avec l’espoir qu’elle soit suivie par des avancées pour la volaille et la filière porcine « dans les prochains mois ». Le rééquilibrage des échanges franco-chinois sera une « longue marche ».