Nommée par Emmanuel Macron conseillère pour la francophonie, la romancière Leïla Slimani souhaite donner une impulsion nouvelle au rayonnement du français à travers le monde en lui donnant notamment un coup de jeune. Si le nombre de locuteurs français pourrait tripler sur la planète d’ici 2050, cette progression n’est pas mathématique.
« Il faut dire que non: c’est aussi une langue de l’entreprise, du travail. Le français, c’est cool », dit-elle, rappelant dans un sourire que « cool » est aujourd’hui « rentré dans la langue française ». Pour réaliser cet ambitieux programme, la jeune et dynamique femme de 36 ans, veut persuader les Français du « potentiel » de leur langue dont le nombre de locuteurs devrait quasiment tripler d’ici à 2050, de 274 millions aujourd’hui à 750 millions, grâce à l’explosion démographique en Afrique.
Forte progression en Asie et en Afrique anglophone
« Chaque Français doit devenir l’ambassadeur de la francophonie », juge-t-elle. « Il faut faire vivre la francophonie en France », dit-elle, se souvenant de sa consternation quand elle a découvert qu’ « énormément de lycéens français sont incapables de citer un auteur issu du monde francophone ». À l’étranger pourtant, la francophonie est « extrêmement vivace », témoigne l’ancienne élève du lycée français de Rabat, venue à Paris pour ses études après avoir vécu au Maroc avec un père marocain et une mère mi-alsacienne, mi-algérienne.
Le français « pourrait » en effet devenir la deuxième langue internationale, derrière l’anglais. Elle est la cinquième aujourd’hui, devancée par l’espagnol, l’arabe et le mandarin ou l’hindi suivant les études. Mais cela ne pourra être que « si les efforts en faveur de l’éducation des pays francophones sont suffisants », avertit le Cese (Conseil économique, social et environnemental) dans un épais rapport sur la francophonie. Mais cette progression n’est « pas mathématique », souligne Marie-Béatrice Levaux, référente francophonie au Cese, qui aide gouvernement et parlement français à écrire les lois.
Faire encore mieux et plus
« Il faut un pilotage politique français plus engagé. Les États doivent se mouiller et s’engager sur un programme éducatif », assène Mme Levaux, comptant pour ce faire sur le prochain Sommet de la francophonie, en octobre en Arménie. « La France doit être à l’avant-garde de l’apprentissage du français », acquiesce Mme Slimani, misant sur le « grand plan pour la langue française » qu’Emmanuel Macron présentera la 20 mars, lors de la Journée internationale de la francophonie, et qu’il avait déjà esquissé en novembre lors de son discours de Ouagadougou.
« Il y a bien longtemps que la langue française n’est plus uniquement française. Elle est autant, voire davantage africaine », avait-il alors lancé, vantant un « français au pluriel ». « Il faut sortir d’une vision jacobine du français où le bon français serait ici » en France, renchérit Leïla Slimani. L’auteure « accompagne » le chef de l’État dans la préparation de son plan mais elle a conscience que ses moyens sont limités. « Je n’ai pas de budget, pas de bureau et je ne suis pas payée. Je ne fais pas partie du gouvernement. Je suis un électron libre », admet-elle, sans pour autant s’en plaindre.
Intellectuelle très en vue en France, Leïla Slimani avait été choisie en novembre pour la seule mission bénévole de représenter le président français à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui regroupe 84 États et gouvernements. « C’est une première étape », juge Mme Levaux, qui regrette cependant que le gouvernement Macron n’ait pas créé un ministère de la Francophonie « de plein droit ». « Actuellement, les actions en faveur de la francophonie sont dispersées entre les Sports, la Culture, les Affaires étrangères… », explique Mme Levaux. « Il faudrait une meilleure coordination », conclut-elle.