Catalogne : l’idée d’une présidence virtuelle de Puigdemont divise

Les deux principaux partis indépendantistes ont décidé de soutenir l’ancien président réfugié en Belgique, Carles Puigdemont. Le Parlement catalan, dont la session inaugurale se déroule mercredi, devra décider si le leader indépendantiste peut briguer l’investiture à distance.

La session inaugurale du Parlement catalan sera ce mercredi la première occasion de vérifier si la majorité obtenue par les indépendantistes aux élections du 21 décembre peut être confirmée par un exercice réel du pouvoir. La Chambre doit élire son bureau (le président du Parlement, deux vice-présidents et quatre secrétaires), l’institution qui organise les débats et interprète le règlement interne. Et ce vote sera déterminé par trois critères inattendus: l’âge du capitaine, le hasard et l’avis d’une poignée d’avocats.

L’âge, car le règlement du Parlement établit que le bureau provisoire de cette institution se compose, lors de la séance inaugurale, du député le plus ancien et des deux députés les plus jeunes. Le hasard, parce qu’il a voulu que ces trois parlementaires appartiennent au grand parti indépendantiste de centre gauche, Esquerra Republicana de Catalunya (ERC). La brochette d’avocats de la Chambre, car ces derniers ont indiqué, dans un avis consultatif, que ni les trois députés séparatistes actuellement en détention provisoire, ni les cinq parlementaires installés en Belgique pour fuir l’action de la justice espagnole ne peuvent légalement déléguer leur vote à des confrères.

Mardi soir, Ensemble pour la Catalogne (JpC, centre droi, 34 siègest) et la Gauche républicaine de Catalogne (ERC, 32 sièges) ont annoncé avoir conclu un accord, décidant de «soutenir Carles Puigdemont comme candidat à la présidence de la région de Catalogne». Les deux formations devaient s’assurer du soutien des quatre députés de la CUP . Ils obtiendraient ainsi une majorité indépendantiste de 70 sièges sur un total de 135.

Si l’opinion des juristes était suivie par le bureau provisoire, elle se verrait cependant amputée de huit députés. Les 62 élus sécessionnistes restants s’opposeraient aux 57 anti-indépendantistes – Ciudadanos (centristes), Parti socialiste (PSC) et Parti populaire (PP, droite).

Quant aux 8 députés de Catalunya en Comu Podem (CECP, gauche radicale), qui défendent la possibilité d’un référendum d’autodétermination s’il était autorisé par le gouvernement central mais refusent de se positionner sur le fond de la question, ils acquerraient de fait le rôle d’arbitres. À moins que les trois élus ERC profitent de leur désignation fortuite pour passer outre l’avis des juristes. Ils pourraient notamment argumenter que le juge de la Cour suprême, responsable du sort des trois députés indépendantistes prisonniers, a entrouvert la possibilité d’un vote par procuration.

C’est donc une majorité conditionnée par l’avis de juristes et par le hasard qui orientera pour les prochaines années la politique catalane, qui tient l’Espagne en haleine. Car le rôle du Bureau de l’assemblée, et notamment de son président, risque d’être déterminant dès les premiers jours de l’activité parlementaire. Chargé d’interpréter le règlement de la Chambre, le président du Parlement aura la lourde tâche de décider s’il cède ou non à la prétention du président catalan sortant, l’indépendantiste Carles Puigdemont, de briguer l’investiture à distance, depuis Bruxelles. Mardi soir, les indépendantistes annonçaient avoir choisi le député ERC Roger Torrent, un ex porte parole parlementaire adjoint, comme candidat à la présidence de la Chambre.

Le règlement du Parlement et la loi sur le président de la région ne prévoient pas – n’excluent pas, préfèrent dire les partisans de Puigdemont – une investiture à distance. «Le candidat présente, sans limite de temps, son programme de gouvernement et sollicite la confiance de l’Assemblée», indique le règlement. Une formulation à peine nuancée par un adverbe de lieu dans la loi sur le président: «Le candidat ou la candidate présente son programme de gouvernement devant l’assemblée plénière et sollicite la confiance de la Chambre», établit l’article 4.3. L’expression «devant l’assemblée plénière» fait dire à la plupart des spécialistes que le candidat à l’investiture doit être physiquement présent dans l’hémicycle.