Des patrons du monde seraient-ils heureux d’investir en France

Choose France, en bon anglais : c’est la dénomination officielle de la convention organisée le 22 janvier sous les ors du Palais de Versailles et qui a réuni autour d’Emmanuel Macron 140 grands patrons du monde entier.

 

« A Versailles, Macron épate la galerie », ironise Libération. « Des patrons heureux d’investir en France, et prêts à le faire davantage. Avec à la clé plus de 3 milliards d’euros d’investissements étrangers et 2 200 emplois pour l’“usine France”, remise d’aplomb par de salutaires réformes. C’est l’enviable tableau qu’a mis en scène hier le chef de l’Etat, pointe Libération, hôte d’un sommet censé illustrer le charme retrouvé de l’Hexagone. Quitte à empiler sous le même emballage une liste d’investissements très variables en volume et en effets. Quitte aussi à s’attribuer des lauriers dont François Hollande pourrait, à bon droit, revendiquer au minimum quelques feuilles. »

En effet, précise Libération, « paradoxe : l’attractivité de la France s’est nettement relevée pendant le quinquennat Hollande, en raison des efforts de rétablissement des marges des entreprises consentis par le président socialiste et qui lui ont coûté une grande partie de sa popularité. Paradoxe du paradoxe : Emmanuel Macron peut se prévaloir de résultats qui sont principalement imputables à son prédécesseur. »

Le VRP Macron

En tout cas, il bosse notre président… et c’est bien, estiment bon nombre de commentateurs ce matin.

« Macron qui joue les VRP et alors ? », s’exclame La Voix du Nord : « qui va se plaindre qu’un président mouille sa chemise pour vendre la marque France aux investisseurs ? L’ex-banquier d’affaires, qui fait une cour décomplexée aux patrons, a deviné qu’il y avait là une carte à mettre sur la table. L’Angleterre déprime, les États-Unis perdent la tête, l’Allemagne chancelle, l’Italie a la tête aux élections alors la France sort le grand jeu, les petits fours et les compliments. »

C’est vrai, renchérit L’Est Républicain, « à l’heure où les Anglais sont englués dans leur Brexit et où les Allemands patinent à trouver une coalition, Paris veut démontrer avec brio et faste que la France est de retour. Emmanuel Macron met les petits plats dans les grands pour séduire les gourous de la nouvelle économie, les patrons de Google, Facebook ou le chinois Alibaba. Des monstres qui paient rarement leurs impôts chez nous, même si les profits mirobolants des grands fauves sont désormais mieux vus et moins taxés par la douce France. »

Le Journal de la Haute-Marne insiste : « montrer au monde entier que la France peut être attractive est un sacré défi pour le président français, qui capitalise sur une image plus positive de notre pays aujourd’hui qu’hier. Les annonces faites, par exemple par Facebook, qui devrait investir chez nous dix millions d’euros dans l’intelligence artificielle montrent que l’effet Macron joue à plein en cette première année de quinquennat, du côté de l’étranger. On peut pour le coup, conclut le quotidien champenois, espérer que cet engouement apparent puisse avoir un effet domino, d’entraînement, auprès des milliers de PME qui composent notre tissu économique. L’imaginer, c’est déjà y croire un peu. »

Le gratin de la fortune mondiale …

Certains quotidiens affichent quelques réserves, voire même de la méfiance… Comme Le Midi Libre pour qui « reste à savoir le prix à payer de ces opérations séductions auprès d’acteurs dont la philanthropie n’est pas le premier des moteurs. Le revers de la médaille montre, lui, l’entêtement des chiffres qui mesurent le nombre de personnes sans emplois ou le nombre de citoyens vivant sous le seuil de pauvreté dans un contexte mondial jugé favorable. »

En effet, lance L’Humanité, c’est un monde en vase clos : « depuis la terrasse du château de Versailles, ils ont contemplé la perspective du Grand Canal. Les 140 grands patrons invités hier par Emmanuel Macron y ont sans doute goûté la fable du ruissellement : rien de la pièce d’eau immense ne fuit hors du château. Le gratin de la fortune mondiale s’était réuni autour d’un président qui se rêve monarque pour fêter l’année de tous leurs records. Jamais, en effet, au cours de l’histoire, constate le quotidien communiste, le nombre et la richesse de milliardaires n’avaient autant augmenté. »

Plus de prisons ?

A la Une également, les gardiens de prison ne décolèrent pas… Les négociations avec les syndicats de surveillants pénitentiaires doivent reprendre ce matin à la chancellerie. En attendant une éventuelle sortie de crise, les blocages d’établissements sont maintenus.

« Des prisons en ébullition, des gardiens victimes d’agressions en série à bout de nerfs : Nicole Belloubet est aujourd’hui confrontée à une crise comme la pénitentiaire n’en avait pas connu depuis près de trente ans », s’exclame Le FigaroLe Figaro pour qui la solution est simple : « si l’embrasement des prisons devait avoir une vertu, ce serait celle de pousser l’exécutif à lancer, enfin, ces constructions de nouveaux établissements sans cesse repoussées. »

« Augmenter le nombre de places est nécessaire à court terme pour faire baisser la pression, pointe Sud-Ouest. Mais pourquoi attendre pour généraliser les alternatives à la détention, désengorger les prisons et faciliter la réinsertion. Un plan “global” est annoncé en février. Tant mieux. Quelles que soient les solutions retenues, elles coûteront cher, que ce soit pour bâtir, réorganiser, accompagner, prévenir et bien sûr améliorer les conditions de travail des personnels. Mais il s’agit là d’une fonction régalienne de l’État, dont il est impossible de ne pas faire une priorité des priorités. »

L’obsession d’Erdogan

Enfin, l’inquiétude des journaux français à propos de l’incursion turque en Syrie, notamment l’inquiétude du Monde

« Pourquoi, s’interroge le quotidien du soir, M. Erdogan prend-il le risque immense de remettre le feu aux poudres dans la région, alors que les ruines de l’organisation Etat islamique sont encore fumantes ? » Réponse du Monde : « parce qu’il veut à tout prix empêcher la constitution d’un espace aux mains des Kurdes aux frontières de la Turquie. Cette détermination à faire de cette cause un “combat national”, comme il l’a présentée dimanche à ses concitoyens, a tourné à l’obsession. »

Et « pour l’heure, constate encore le quotidien du soir, Ankara ne peut se targuer de l’appui d’aucune grande puissance dans cette irresponsable échappée solitaire. »

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