La très délicate position de la France sur la question kurde en matière du Kurdistan indépendant

Alors que les rassemblement pro-kurdes se multiplient à Paris, la prudence des propos des autorités françaises dissimule mal le flou entretenu par la France vis-à-vis du Kurdistan syrien ou irakien, selon un membre d’une grande organisation kurde.

Les Kurdes étaient de sortie le 22 janvier devant l’institut culturel kurde dans le Xe arrondissement de Paris, pour protester contre «l’invasion d’Afrin» en réaction à l’opération «Rameau d’olivier» lancée par la Turquie, le 20 janvier. Le 23, ils sont revenus entonner des chants et défiler avec des banderoles dans le quartier de Strasbourg Saint-Denis à Paris. Ils pâtissent actuellement du silence gêné de leurs alliés d’hier face au coup de force du président Recep Tayyip Erdogan contre le Kurdistan syrien ou Rojava, l’Hexagone ne faisant pas exception. «La France n’a pas de position claire», déplore Agit Polat, membre de la représentation des relations extérieures du conseil démocratique kurde en France, qui s’est confié à RT France.

Les principales organisations kurdes ont lancé un appel pour un rassemblement le 27 janvier, adressant une requête au chef de l’Etat français. «Nous exigeons du président Macron et de son gouvernement une condamnation claire de l’agression turque, beaucoup plus nette que l’appel « à la retenue » du ministre Le Drian. Partout, nous appelons à interpeller nos député-e-s pour qu’ils/elles prennent position et demandent une condamnation par la France», réclament-elles. Plus de 35 partis politiques (Parti de Gauche, EELV, Parti communiste…) ou associations ont ainsi répondu à l’appel pour Afrin et 10 000 personnes sont attendues.

La France paralysée sur la question kurde

L’aide des Kurdes s’est avérée cruciale dans la guerre contre Daesh, qu’il s’agisse des  Peshmerga irakiens ou des Unités de protection du peuple (YPG), forces de la zone syrienne du Kurdistan. Mais la France a tenu vis-à-vis d’eux une ligne trouble, tiraillée entre l’adhésion à la ligne turque et le respect qu’elle a pour les combats menés par les combattants kurdes sur le sol syrien contre l’Etat islamique.

Le pas en avant d’Emmanuel Macron, lors du référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien organisé par son président Massoud Barzani fin septembre, a été suivi d’une reculade. Emmanuel Macron avait en effet proposé sa médiation pour des discussions sur l’indépendance du Kurdistan au président irakien Haïdar al-Abadi, le 27 septembre, en prévision de sa venue en France dans le cadre d’un voyage officiel, début octobre. Et si l’Elysée avait assuré qu’Emmanuel Macron avait appelé au «respect des droits des Kurdes», les autorités irakiennes avaient sèchement refusé la médiation française, expliquant que la venue de leur président n’était pas liée à cette thématique, tout en démentant que la question kurde avait été évoquée au cours d’un appel téléphonique.

Ce cafouillage diplomatique pourrait se répéter avec le Kurdistan syrien. Le 23 janvier par téléphone, Emmanuel Macron a fait part de sa «préoccupation» au présiendent turc, Recep Tayyip Erdogan, quant à l’opération militaire des ses forces sur la ville syrienne d’Afrin. Selon l’Elysée, le président de la République avait notamment incité son homologue turc à «faire preuve de retenue dans ses opérations militaires comme dans sa rhétorique». Avant cela, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait demandé une réunion urgente du Conseil de sécurité des Nations unies pour traiter de l’incursion turque, requérant un «cessez-le-feu partout» et un «accès humanitaire inconditionnel» en Syrie.

Le Conseil s’est bel et bien réuni à huis clos le 23 janvier, sans pour autant déboucher sur des avancées concrètes. Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, convoqué devant le Conseil, avait répondu dans une vidéo qu’il acceptait que les pays rassemblés ne discutent que des aspects humanitaires de l’opération d’Ankara : «Nous n’avons aucun compte à rendre à personne, dans la mesure où il existe une menace directe pour nous.»