Quelques oliveraies seulement séparent les forces turques et les rebelles syriens qu’elles commandent des positions des miliciens kurdes des YPG: la ville d’Azaz dans le nord de la Syrie assiste aux premières loges à la bataille d’Afrine.
Azaz, seulement à cinq kilomètres de la frontière turque, est le territoire d’un pays ravagé par la guerre civile où la Turquie fait la pluie et le beau temps après l’avoir mis sous sa coupe lors d’une première offensive lancée en aôut 2016 pour chasser les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) et les milices kurdes des localités syriennes frontalières.
L’opération turque, qui s’était achevée en mars 2017, était baptisée « Bouclier de l’Euphrate ». Depuis, Azaz, une ville de quelque 300.000 habitants, et d’autres localités du nord syrien, sont contrôlées par des rebelles soutenus et armés par Ankara.
Une partie de ces rebelles participent depuis le 20 janvier à la nouvelle offensive lancée par Ankara pour déloger les miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) de la région d’Afrine, contiguë à Azaz.
« Nous sommes en état d’alerte 24 heures sur 24 », dit à l’AFP un officier des forces spéciales turques sur fond de détonations d’obus de mortier provenant de l’autre côté des oliveraies séparant les belligérants.
« Cela ne sera pas aussi facile que le Bouclier de l’Euphrate », admet-il.
« Ils (les YPG) se préparent depuis des mois et ils sont plus agressifs que Daech », ajoute-il, se référant au groupe EI par son acronyme arabe. « Je pense que cela prendra plus de temps ».
La Turquie considère les YPG comme la branche syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une guérilla meurtrière sur son territoire depuis 1984. Mais cette milice est aussi l’alliée de Washington qui en a fait son fer de lance de la lutte contre l’EI en Syrie.
« Ici nous sommes sur la ligne du front, le PKK est seulement à un kilomètre », dit Hamzeh al-Dikk, un Syrien de 18 ans de l’Armée syrienne libre (ASL) qui chapeaute les rebelles soutenus par Ankara.
« Nous vivons dans un état de guerre. J’espère qu’on retrouvera la stabilité et qu’on pourra retourner dans nos villages », a ajouté le jeune homme, arme à la main et engoncé dans un uniforme militaire.
Un autre combattant syrien, Ali Yassine, fait partie de l’ASL depuis plusieurs années. L’ancien ouvrier est aujourd’hui rompu au combat.
« Notre objectif est de nettoyer la région des terroristes. Nous ne voulons pas de terroristes dans notre pays », dit-il, se faisant l’écho du discours guerrier ressassé par les dirigeants turcs.
Dans Azaz, qui était contrôlée par l’EI avant l’intervention turque de 2016, les rebelles de l’ASL patrouillent dans les rues où les habitants semblent vaquer à leurs affaires comme si de rien n’était.
Des gamins, certains pieds nus dans des sandales en dépit d’un froid glacial, lancent des « Allah Akbar » (Dieu est le plus grand) pour saluer chaque détonation d’obus s’abattant sur Afrine.
« Personne ici n’a peur de ces détonations. Les gens sont habitués », assure Ahmad, l’un des habitants.
Ce menuisier de 25 ans estime lui aussi que l’offensive turque sur Afrine « prendra du temps ». « Afrine ne peut pas être prise facilement car il y a aussi des civils innocents qui y vivent », dit-il.
Le sexagénaire Hassan Lahmouni a affirmé avoir dû quitter son village, Ein Daqneh, dans la région d’Afrine après qu’il a été pris par les milices kurdes.
Cheveux blancs et visage creusé par les rides, l’homme a connu des temps meilleurs, quand kurdes et arabes vivaient en parfaite harmonie dans la région. C’était avant le conflit syrien déclenché en 2011 qui a fait plus de 340.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.
« Avant, les kurdes c’était des gens bien. Mais les nouveaux, le PKK, ils sont mauvais », rouspète-il.