En République tchèque, la réélection embarrasse Bruxelles

L’ambiance est proche de celle de la révolution de Velours!» voulait croire, à la veille du scrutin, ce supporter de Jirí Drahoš, en mémoire de la chute du régime communiste en place en 1989.

L’ambiance est proche de celle de la révolution de Velours!» voulait croire, à la veille du scrutin, ce supporter de Jirí Drahoš, en mémoire de la chute du régime communiste en place en 1989. Las, son candidat a été battu samedi 27 janvier par le président sortant, Miloš Zeman (51,4 % des voix). «Je repars pour cinq ans rempli de la confiance des citoyens», a déclaré, au milieu de ses partisans, le chef de l’État, un social-démocrate devenu au fil des ans conservateur, populiste et anti-immigration.

Pourquoi cette réélection, alors que Miloš Zeman est âgé (73 ans), malade et souvent assoupi ou alcoolisé en public ? «C’est une petite victoire, à seulement 150’000 voix près, nuance Michal Pink, politologue à l’Université Masaryk de Brno. Mais Zeman avait l’avantage d’être le président sortant, un personnage que les masses connaissent bien, le seul candidat de gauche au premier tour et un proche de l’homme politique le plus populaire du moment, le nouveau premier ministre Andrej Babiš.»

Son rival, Jirí Drahoš, un scientifique, libéral et proeuropéen, n’a pas fait le poids. Son manque d’expérience politique et de charisme l’a empêché de séduire les électeurs des régions rurales. Eux, comme les habitants des zones périphériques, les moins éduqués et les personnes âgées, n’ont pas osé choisir la rupture. «La société tchèque dans son ensemble est assez conservatrice, poursuit Michal Pink. Et même si Zeman n’était pas le candidat idéal, beaucoup ont préféré la continuité.» «Zeman, nebo zmena» («Zeman, ou le changement»), titrait justement, au matin du deuxième tour, le quotidien Hospodárské Noviny.

À Bruxelles, c’est silence radio depuis les résultats du vote. Avec la Pologne et la Hongrie, trois des quatre pays du groupe de Visegrád (à l’exception de la Slovaquie) sont désormais ouvertement hostiles à l’Europe. Miloš Zeman, qui ne cache pas ses amitiés prorusses et prochinoises, se dit même, depuis plusieurs mois, favorable à un référendum sur la sortie de la République tchèque de l’Union. Une démarche relevant du pur opportunisme politique, le président se déclarant à titre personnel contre une sortie. Le pari serait en tout cas risqué, puisque seul un tiers des Tchèques estime qu’être membre de l’UE est «une bonne chose», soit un euroscepticisme plus fort que celui des Grecs au pire de la crise et des Britanniques à la veille du Brexit. Miloš Zeman, indéboulonnable du Château de Prague, n’a pas fini de donner des sueurs froides à ses voisins européens.