Jihadistes occidentaux détenus en Syrie : un « fardeau » pour les Kurdes

De retour du nord-est de la Syrie, où les Kurdes ont créé une administration autonome, Nadim Houry, de l’ONG Human Rights Watch, estime que les Français détenus ne doivent pas être jugés là-bas, pour garantir un procès équitable. Entretien.

C’est un « fardeau », une épine dans le pied de l’Europe. Que faire des jihadistes occidentaux actuellement détenus en Irak ou par les Kurdes en Syrie ? Faut-il les laisser sur place, quitte à ce qu’ils soient jugés dans des procès non équitables, ou bien les rapatrier pour qu’ils soient confrontés à la justice de leur pays ? Alors que de nombreux pays européens paraissent plus ou moins indifférents au sort de ces centaines d’hommes, de femmes et d’enfants, la France, meurtrie par une vague sans précédent d’attentats ces dernières années, se trouve face à un dilemme.

Confronté aux demandes de retour de plusieurs femmes jihadistes, notamment l’emblématique Émilie König, Emmanuel Macron a évoqué dès novembre 2017 une politique de rapatriement « au cas par cas ». Début janvier, Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, a affirmé sur BFMTV que les personnes arrêtées au « Kurdistan syrien » seront « jugées là-bas », si les « institutions judiciaires étaient en capacité d’assurer un procès équitable [avec des] droits de la défense respectés ».

Florence Parly, ministre des Armées a récemment réaffirmé n’avoir « aucun état d’âme » quant au sort des jihadistes français ayant rejoint le groupe État islamique (EI) en Syrie et en Irak. « Les jihadistes n’ont jamais, eux, d’état d’âme et je ne vois pas pourquoi nous en aurions pour eux », a déclaré la ministre lors de ses vœux aux Armées à Paris.

Mais pour de nombreuses ONG, faire des entorses à la justice, voire mettre en place de facto la loi du talion, n’est pas acceptable. « Quelles que soient la gravité et l’horreur de ses actes, si un ressortissant européen risque la peine de mort, on doit exiger que l’État qui le détient donne des garanties sur l’absence d’application de la peine de mort, ou qu’il transfère le détenu dans son pays d’origine pour y être jugé », a affirmé à l’AFP Me Patrick Baudoin, président d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). « Je reconnais que ce n’est pas évident, mais si on commence à multiplier les entorses à ce principe, nous ne sommes plus un État de droit », estime-t-il, en dénonçant « l’hypocrisie de la situation actuelle ».