Ce dimanche 11 février, les Monégasques sont appelés aux urnes pour choisir leurs 24 futurs parlementaires, appelés «conseillers» sur le Rocher.
L’occasion pour Le Figaro de vous faire (re)découvrir le singulier régime politique monégasque, un système «associant une monarchie active à une démocratie effective», souligne le professeur Joël-Benoît d’Onorio, directeur de l’Institut Portalis de la faculté d’Aix-Marseille et auteur de Monaco, monarchie et démocratie (Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2014).
La Constitution monégasque actuelle succède à celle de 1911. Elle date du 17 décembre 1962 et a été révisée le 2 avril 2002. Les grands fondements de la Principauté y sont rappelés: Monaco est un État souverain et indépendant, une monarchie héréditaire et constitutionnelle, avec le français pour langue officielle et le catholicisme romain comme religion d’État.
Un prince omniprésent
Rainier, Grace, Caroline, Stéphanie, Albert… Depuis des années, la famille princière fait les beaux jours de la presse people. Et la nouvelle génération n’est pas en reste. Fin 2014, la naissance de Jacques et Gabriella, héritiers tant espérés issus de l’union d’Albert de Monaco et de Charlene Wittstock, a donné un nouvel élan à la monarchie monégasque. «Cette divine surprise a eu pour effet de souder encore davantage la communauté monégasque autour de la famille princière», estime Joël-Benoît d’Onorio.
À Monaco, la figure du prince est omniprésente. Comme bien d’autres souverains en Europe, le monarque représente son pays à l’étranger, exerce les droits de grâce, d’amnistie et de naturalisation, confère les ordres, titres et autres distinctions… Mais, fait rare aujourd’hui, au-delà de régner, il gouverne. «Le prince n’est pas la reine d’Angleterre à la mode méditerranéenne! s’exclame le professeur. Historiquement, tout vient de lui, et les Monégasques sont d’ailleurs très attachés à leur souverain, notamment à Albert actuellement.»
Le prince partage ainsi le pouvoir législatif avec le Conseil national, qu’il peut d’ailleurs dissoudre. Le pouvoir exécutif «relève de la haute autorité» du souverain, qui nomme lui-même le ministre d’État et les membres du gouvernement, responsables devant lui. Quant au pouvoir judiciaire, il appartient également en droit au prince, mais ce dernier le délègue dans les faits aux cours et tribunaux. Le chef de l’État est par ailleurs assisté par un Conseil de la Couronne et un Conseil d’État, au rôle essentiellement consultatif.
Un gouvernement resserré
Le gouvernement monégasque est dirigé par un ministre d’État. Actuellement, cette mission est assurée par le Français Serge Telle. Avant 2005, et l’entrée en vigueur d’un traité signé trois ans auparavant entre Monaco et la France, ce poste ne pouvait être occupé que par un ressortissant de l’Hexagone. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais le gouvernement français est toujours consulté avant que le Prince ne procède à la nomination de son ministre d’État.
Ce dernier est assisté de conseillers de gouvernement, dont «le nombre est fixé par ordonnance», rappelle Joël-Benoît d’Onorio. Ils sont actuellement cinq, quatre hommes et une femme: Patrice Cellario (ministre de l’Intérieur), Jean Castellini (ministre des Finances et de l’Économie), Didier Gamerdinger (ministre des Affaires Sociales et de la Santé), Marie-Pierre Gramaglia (ministre de l’Équipement, de l’Environnement et de l’Urbanisme) et Gilles Tonelli (ministre des Relations Extérieures et de la Coopération).
Un Parlement monocaméral
Côté législatif, contrairement à de nombreux pays européens, parmi lesquels la France, Monaco possède un Parlement monocaméral, c’est-à-dire constitué d’une seule chambre. Les 24 membres du Conseil national sont élus pour quatre ans. Lors des élections, la liste ayant obtenu la majorité des voix obtient 16 sièges. Les 8 sièges restants sont répartis proportionnellement entre les listes ayant obtenu plus de 5% des suffrages, et les votants ont la possibilité d’effectuer un panachage.
Aux dernières élections nationales, en 2013, 74,55% des 6284 électeurs s’étaient déplacés. La liste Horizon Monaco avait obtenu vingt sièges, l’Union monégasque – majoritaire jusqu’ici – trois et Renaissance un. Fait rarissime dans la Principauté, Horizon Monaco a connu de telles dissensions que le président originel, Laurent Nouvion, a dû céder sa place à son vice-président Christophe Steiner en avril 2016. Ce dernier a décidé de quitter la vie politique et ne se représente pas cette année.
Le 11 février, Horizon Monaco sera donc menée par la conseillère Béatrice Fresko-Rolfo, première femme tête de liste aux élections nationales de l’histoire du Rocher. L’Union monégasque a choisi le conseiller Jean-Louis Grinda pour tenter d’améliorer son score très décevant de 2013. Enfin, l’ancien président du Conseil et ministre Stéphane Valeri dirige une nouvelle liste, Primo! (pour Priorité Monaco).
Une justice entièrement indépendante
Dans la cité-État, le pouvoir judiciaire «appartient au prince, qui en délègue le plein exercice aux cours et tribunaux ; ceux-ci rendent la justice en son nom», précise le site du gouvernement princier. «Le souverain n’intervient jamais», confirme Joël-Benoît d’Onorio. Les pouvoirs exécutifs et judiciaires étant strictement séparés, le gouvernement ne compte pas de ministre de la Justice. Le directeur des services judiciaires, plus haute autorité de la justice monégasque, répond au prince seul.
En septembre, la démission de ce directeur des services judiciaires a résonné comme un coup de tonnerre sur le Rocher. En poste depuis 2006, Philippe Narmino était mis en cause dans une affaire d’escroquerie aux tableaux de maître. Pour le remplacer, le prince Albert a choisi Laurent Anselmi, jusqu’alors délégué aux affaires juridiques auprès du gouvernement.
Quant au Tribunal suprême monégasque, créé en 1911, il est considéré comme l’une des plus anciennes cours constitutionnelles du monde. Désormais compétent sur les plans tant constitutionnel qu’administratif, «il peut être saisi par n’importe qui, et peut aller jusqu’à faire annuler une ordonnance souveraine. C’est un véritable gardien des libertés», explique Joël-Benoît d’Onorio, qui ajoute qu’un Haut commissariat à la protection des droits, des libertés et à la médiation – équivalent du Défenseur des droits français – a été créé en 2013.