Le partage du « fardeau » financier entre Alliés et les appréhensions américaines sur l’initiative de défense européenne ont testé l’unité de l’Otan lors de sa réunion ministérielle qui s’est ouverte mercredi à Bruxelles.
La première journée de la réunion des ministres de la Défense a été consacrée à l’adoption de deux nouvelles structures de commandement et à une discussion délicate sur les contributions aux dépenses menée sous la pression du secrétaire américain à la Défense Jim Mattis.
« Les Etats-Unis ont proposé d’accueillir le nouveau commandement chargé de la sécurisation des communications maritimes pour les déplacements de troupes et de matériel dans l’Atlantique, et les Allemands celui pour le soutien logistique en Europe. La décision sur les sites et les effectifs sera prise lors de la prochaine réunion en juin », a précisé le secrétaire général Jens Stoltenberg.
Les Etats-Unis ont par ailleurs annoncé une nouvelle augmentation de 35 % du budget aux déploiements de soldats américains en Europe (« European Deterrence Initiative ») en 2019, à 6,5 milliards de dollars, après une hausse de 40 % en 2018.
« C’est une incitation pour les Européens à faire plus pour leur défense », a commenté le Norvégien Jens Stoltenberg avant le début de la réunion.
« Nous avons besoin de plus d’argent, de plus de capacités et de plus contributions », a-t-il insisté. Les alliés se sont engagés à porter leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB d’ici à 2024. « Beaucoup de progrès ont été faits, mais il reste beaucoup à faire. Il en va de notre crédibilité. Il faut assurer dans les trois domaines », a-t-il insisté.
« Les Etats-Unis y sont allés +cash+ pendant cette discussion et cela n’a pas été agréable pour certains », a raconté un des ministres sous couvert de l’anonymat.
Seuls 8 des 29 membres de l’Otan seront en mesure de dépenser 2 % de leur PIB pour la défense en 2018 et 15 en 2024, a rappelé M. Stoltenberg.
La récente relance de l’Europe de la Défense doit permettre aux Européens de mener à bien cet effort. Mais cette ambitieuse initiative suscite des interrogations au sein de l’Alliance.
« L’UE ne doit pas se substituer à ce que fait l’Otan » et elle ne doit pas fermer ses marchés de défense aux Américains et aux autres pays non membres de l’UE, a d’ores et déjà averti mardi Jens Stoltenberg.
Ce message se veut une réponse aux inquiétudes exprimées par la délégation américaine. Le Canada, la Norvège, l’Islande et l’Albanie ont également fait part de leurs préoccupations, selon une source diplomatique au sein de l’Otan.
La Coopération structurée européenne (CSP), lancée en décembre 2017 par 25 pays de l’UE, doit leur permettre de développer conjointement des capacités de défense et d’investir dans des projets communs. Un Fonds européen de la Défense est censé générer un investissement total dans le développement des capacités de défense de cinq milliards d’euros après 2020.
« Bien faite, l’initiative de défense européenne peut contribuer à une répartition équitable du fardeau », a souligné mercredi le secrétaire général de l’Otan.
La principale crainte des Américains est la fermeture des marchés de la défense des pays de l’UE au bénéfice des entreprises européennes.
Certains Européens ont été surpris, sinon agacés, par ce ton offensif. « Les Européens n’ont aucune intention de duplication inutile ou d’acquisitions de capacités inutiles », a assuré un diplomate européen à Bruxelles.
« Il faut une relation d’égalité, car les pays européens ne peuvent fournir d’équipements de défense sur le marché américain », a averti un diplomate européen.
-‘Travail d’explication’-
Le dîner de travail mercredi soir, consacré à l’initiative de défense européenne, devrait permettre de calmer le jeu.
Jens Stoltenberg a reconnu des « divergences de vues ». La représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini aura pour tâche de les apaiser.
« Il y a un petit travail d’explications à fournir, mais il n’y a pas de problèmes sur le fond », a observé un diplomate européen.
Restent les frictions entre Washington et Ankara, dont l’armée est la deuxième plus puissante de l’Otan, sur le théâtre de guerre syrien. L’opération militaire turque dans le nord de la Syrie contre des forces kurdes alliées à Washington a affaibli le combat contre l’organisation Etat islamique (EI), a reproché Washington.
M. Tillerson se rendra à Ankara jeudi et vendredi pour tenter de déminer cette crise et Jim Mattis a rencontré son homologue turc Nurettin Canikli mercredi en marge de la réunion de l’Otan.
« Il faut maintenir l’unité de l’Alliance, car certains veulent enfoncer un coin », a plaidé un diplomate européen, sans nommer la Russie.