Des partis en plein essor, des groupuscules toujours plus actifs: l’extrême droite a le vent en poupe en Italie, portée par les tensions autour des migrants et un engagement sur le terrain auprès de populations qui se sentent abandonnées.
La nuit tombe sur la place Vittorio, dans le quartier multiethnique Esquilino de Rome. Une cinquantaine d’hommes agitent des drapeaux italiens, mais aussi un autre, rouge vif frappé d’une tortue noire. Ils déploient en silence une banderole: « Viols, vols, violences, assez de dégradations ».
Voici CasaPound, un mouvement néofasciste né dans le quartier il y 15 ans et devenu l’un des nombreux partis anti-immigration en course pour les élections législatives du 4 mars.
Dans la troisième économie de la zone euro, des millions d’Italiens et d’étrangers, en situation régulière ou non, vivent toujours sous le seuil de pauvreté après la crise de 2008, et les tensions sociales sont vives.
Même si la criminalité est en baisse depuis des années, des faits divers comme l’agression sexuelle attribuée à un Sénégalais contre une femme SDF la semaine dernière à l’Esquilino ajoutent des tensions raciales dans un pays qui voit débarquer chaque mois des milliers de migrants africains.
« Les Italiens ne peuvent plus se promener tranquilles dans cette zone, parce que tous les étrangers qui débarquent se retrouvent ici », explique Carlomanno Adinolfi, un militant de 35 ans.
« Je ne me sens plus en sécurité quand je marche seule le soir », renchérit Giuliana, une habitante de l’Esquilino de 48 ans. « Je n’ai rien contre les étrangers, je veux juste que l’immigration soit contrôlée, ceux avec un casier judiciaire doivent être renvoyés, mais notre Etat ne s’en occupe pas ».
La ronde de nuit de CasaPound n’est cependant pas du goût de tout le monde. « Ils sont dangereux parce que leur programme exclut toute une série de personnes considérées comme +différentes+ et cela crée des divisions qui nuisent à tout le monde », explique Michele Vacca, 32 ans, qui vit aussi dans le quartier.
Surfant sur les tensions sociales et raciales, la Ligue et Fratelli d’Italia, deux partis d’extrême droite alliés à la droite de Silvio Berlusconi, avoisinent les 20% au total dans les intentions de vote selon les sondages.
Parallèlement, l’audience des groupes néofascistes comme CasaPound ou Forza Nuova ne fait que croître, galvanisée par une décision de la cour de Cassation cette semaine établissant que le salut fasciste n’était pas un délit.
S’ils semblent encore loin du seuil de 3 % nécessaire pour entrer au Parlement, ils ont obtenu des élus locaux dans plusieurs régions, essentiellement grâce à leur travail sur le terrain dans les quartiers défavorisés.
« A travers l’aide, nous nous sommes fait des amis », explique un militant, Alessandro Calvo, autour d’un grand plat de pâtes préparées par CasaPound, malgré la pluie, pour les habitants du quartier de Monteverde, toujours à Rome.
Pour Paola Menagat, une femme de ménage, c’est un soutien juridique apporté par les militants à une jeune fille que la police voulait expulser d’un logement squatté qui a tout changé.
Ravie d’avoir trouvé « une famille », elle est devenue militante, d’abord avec une poignée d’habitants du quartier et maintenant avec plus de 50 personnes.
« Quand l’Etat vous abandonne, il faut trouver la force de faire face soi-même, et avec CasaPound, on n’est jamais seul », explique-t-elle.
« Je suis au chômage. J’attends encore de recevoir mes allocations, ça prend du temps en Italie et dans l’intervalle je me suis retrouvée absolument sans rien », raconte Ana Maria, une mère de famille de 38 ans.
« CasaPound me donne de la nourriture et organise des activités pour nos enfants », ajoute-t-elle en essuyant une larme. « C’est très important, cela crée un esprit de communauté qui avait disparu ».