La course législative italienne fait naître des promesses de la part des candidats, que les économistes jugent irréalistes d’un point de vue financier alors que la péninsule est déjà plombée par une dette publique gigantesque.
Le Parti démocrate (PD, centre-gauche) de Matteo Renzi présente la facture la moins élevée: 35 milliards d’euros selon le parti, 38,6 milliards d’après l’Observatoire des comptes publics italiens (Osservatorio CPI) de l’université Cattolica et 56,4 milliards selon l’économiste Roberto Perotti, de l’université Bocconi à Milan.
Les promesses du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste) coûtent 78,5 milliards selon les calculs du parti, 103,4 milliards d’après l’Osservatorio CPI et 108 milliards selon M. Perotti.
Pour la coalition droite/extrême droite, les calculatrices s’affolent: 136,2 milliards selon l’Osservatorio, et de 171 milliards dans le meilleur scénario à 310 milliards d’euros, pour M. Perotti.
D’après M. Perotti, « les promesses électorales sont sur une échelle différente du passé ». Propulsés ces dernières années sur le devant de la scène, « les mouvements populistes, la Ligue et M5S, n’ont rien à perdre et ne font que promettre, espérant gagner des voix », note-t-il. « Les autres partis ont dû s’adapter ».
« Evidemment, ils ne mettront pas en ?uvre ces promesses dans leur totalité », précise l’économiste.
Nicola Nobile, expert d’Oxford Economics, évoque pour sa part des promesses « irréalistes ou inutiles » et estime que le pays devrait au contraire poursuivre les réformes engagées pour soutenir la croissance, comme améliorer la formation, plutôt que de revenir sur celles ayant été faites (retraites, etc.).
Parmi les promesses emblématiques de la droite figure la « flat tax », un impôt à taux unique qui remplacerait le système progressif actuel.
Forza Italia (FI, centre droit) plaide pour la lancer à 23%, la Ligue (extrême droite) à 15%. Pour limiter l’impact sur les plus modestes, les deux partis envisagent la possibilité de déduire de ses revenus annuels jusqu’à 12.000 euros par personne.
L’idée, selon Renato Brunetta (FI), est de créer un « choc fiscal qui permettra au pays de sortir du piège dans lequel il est coincé », en faisant passer la croissance de 1,5 % aujourd’hui à « plus de 3% ».
Ses partisans assurent que la baisse des recettes sera compensée par une réduction de l’évasion fiscale et par une hausse de la consommation des ménages.
M. Perotti évalue son coût à environ 65 milliards d’euros. La Ligue table sur 30 milliards, en excluant les fonctionnaires et retraités de la mesure, et FI sur 50 milliards.
Jack Allen, analyste à Capital Economics, doute de l’impulsion donnée à la croissance. Il estime que ce sont les plus riches qui profiteront de la réforme, une catégorie qui dépense traditionnellement un pourcentage moindre de l’argent ainsi « économisé ».
« Si on applique seulement le tiers de ce qui est promis, l’Italie ne respectera pas le seuil de déficit de 3 % du PIB. Maintenant nous sommes à 2,5 % et il suffirait de dépenser 8 milliards en plus pour arriver à 3 % », note M. Perotti.
Ainsi, « si une +flat tax+ a un coût autour de 65 milliards d’euros, pour récupérer cet argent à travers la croissance du PIB, il faudrait que cette croissance atteigne 160 milliards, soit 9% du PIB actuel, une chose impensable », note M. Perotti.
Les partis, à l’exception de la Ligue, se sont pourtant engagés à respecter le seuil de 3 % imposé au sein de l’Union européenne.
Pour ce faire, il faudra couper dans les dépenses, estime Jack Allen.
La question du déficit est sensible car l’Italie plie déjà sous une dette de 2.256 milliards d’euros, ce qui représente 131,6 % de son PIB, le niveau le plus élevé en Europe derrière la Grèce.
Les principaux partis ont assuré qu’ils allaient faire baisser ce ratio, mais selon l’Osservatorio CPI, en l’absence de nouvelles couvertures pour les dépenses engagées, il devrait atteindre d’ici quatre ans 134,8% avec le programme du PD, 135,8 % avec celui de FI et 138,4 % avec celui du M5S.