Le gouvernement fédéral a pris vendredi la décision de rompre sans délai la convention conclue avec la Ligue islamique mondiale qui organisait la concession de la Grande Mosquée de Bruxelles.
Il met de la sorte en oeuvre une recommandation de la commission d’enquête sur les attentats terroristes visant à mettre fin à l’immixtion d’Etats étrangers dans l’islam prêché en Belgique, en l’occurrence l’Arabie saoudite, cheville ouvrière de la Ligue islamique. Un délai d’un an s’ouvre avec la décision. Ce temps sera mis à profit pour constituer une nouvelle structure associant l’Exécutif des musulmans de Belgique et une communauté locale qui doit encore se constituer. Outre la gestion du lieu de culte, cette nouvelle structure prendra accomplira d’autres tâches dont les contours demeurent flous. Une alternative est offerte: la formation d’imams ou l’exposition des « réalisations de la civilisation musulmane ». Une condition est mise: il incombe à la communauté musulmane elle-même d’élaborer l’un ou l’autre de ces programmes.
Il est demandé à la Grande Mosquée d’établir une « relation durable » avec les autorités belges, « tout en respectant les lois et les traditions de notre pays qui véhiculent une vision tolérante de l’islam », précise un communiqué du ministre de la Justice, Koen Geens. A ce titre, la mosquée devra introduire un dossier de reconnaissance officielle.
L’indemnité dont devra s’acquitter l’Etat belge en raison de cette rupture sera d’un montant limité, a assuré le ministre en charge de la Régie des bâtiments, Jan Jambon, sans donner toutefois de précision sur la somme due.
Au mois d’octobre, la commission d’enquête présidée par Patrick Dewael avait recommandé cette rupture de la convention conclue en 1967 avec l’Arabie saoudite pour une durée de 99 ans. Les auditions des dirigeants de la Grande Mosquée s’étaient déroulées dans un climat tendu, révélant un gouffre entre les parlementaires et les représentants de ce lieu de culte emblématique de l’islam en Belgique.
Régulièrement, la mosquée du Cinquantenaire a été pointée du doigt pour la vision très rigoriste de l’islam qui y est enseignée, inspirée du wahhabisme saoudien. Une note de la Sûreté de l’Etat de 2015 mettait en cause des prêches et des cours qui « promeuvent intrinsèquement le rejet de tous ceux qui ne sont pas salafistes et peuvent donc mener à un degré supérieur de radicalisation, voire à une radicalisation violente », sans établir toutefois de lien direct avec le terrorisme ou des combattants à l’étranger.
Les contacts diplomatiques nécessaires ont été pris avec l’Arabie saoudite, a assuré le Premier ministre, Charles Michel, sans faire d’autre commentaire.
En mars 2017, M. Geens s’était entretenu avec le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, Muhammad Abdul-Kareem Al-Issa, pour évoquer les problèmes liés à la mosquée. Au mois de novembre, une délégation de haut niveau composée notamment de fonctionnaires des Affaires étrangères s’était rendue à Ryad et avait rencontré plusieurs officiels pour aborder divers points, dont la Grande Mosquée. Il en ressortait que ces autorités se montraient « compréhensives » à l’égard de l’intention belge de rompre la convention. Et en janvier de cette année, le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, recevait son homologue saoudien, Adel al-Jubeir. « Il y a un accord avec les Affaires étrangères saoudiennes pour avoir une implication plus grande des communautés locales dans la gestion de la Mosquée », avait indiqué M. Reynders à l’issue de la réunion.