Le massacre de Douma : le dernier espoir pour la coalition américaine de ne pas perdre la Syrie

La Syrie est quasiment libérée des groupes terroristes et extrémistes soutenus par la coalition américaine, une réunion des chefs d’Etat russe, iranien et turc prépare la paix, la Ghouta est libre à 95 % et les terroristes quittent les lieux avec leur famille, les derniers ont passé un accord.

C’est à ce moment plus que délicat pour la coalition américaine que soudain, sans aucune raison, une attaque chimique est soi-disant perpétrée le 7 avril dans Douma, encore gouverné par les terroristes pro-occidentaux. Quel intérêt pour Assad? Aucun. Mais toute la communauté internationale le condamne pour cette « possible » attaque. La machine est relancée. La Russie est aussi coupable. C’est le combat de la dernière chance avant l’échec total américain. Jusqu’où seront-ils prêts à aller pour sauver leurs intérêts ? Leur peau ?

Dimanche, la machine est lancée. Une attaque chimique aurait été perpétrée à Douma en Syrie le 7 avril, dernier bastion extrémiste dans la Ghouta. La source de l’information est … plus que fiable, d’une objectivité incontestable (voir ici le rappel des fakes de Idlib et la Ghouta). En plus des habituels Casques blancs, l’on retrouve des ONG proches de l’opposition à Assad et la très américaine Syrian American Medical Society. Mais pour garder toute apparence d’objectivité, l’on peut lire:

L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), basé à Londres, avec un réseau d’informateurs dans toute la Syrie, a assuré n’être pas en mesure de « confirmer ou démentir » ces allégations.

La journaliste enchaîne les éléments sans aucune analyse pour arriver à la condamnation de Assad: Assad a repris la lutte contre le groupe Jaych al-Islam (qui n’est pas « rebelle » mais terroriste), faisant des victimes. Rappelons que justement les groupes islamistes se cachent au milieu des civils qu’ils utilisent comme bouclier humain. Passons. Un accord a été conclu avec eux pour que sous 48 h ils soient évacués et libèrent la population civile prise en otage. Donc, logique, le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir en urgence lundi (avant les fatidiques 48 h) pour discuter de la situation. Mais il faut un prétexte: la lutte contre le terrorisme ne peut être condamnée ouvertement – encore. C’est dans ce contexte qu’une soi-disant attaque chimique a été faite par Damas … Quelle est la logique? Les journalistes non plus ne la voient pas, en tout cas s’ils la voient ils n’en parlent pas.

Les Etats-Unis lancent alors le combat. Evidemment, Macron entre dans la danse – ces derniers temps il réagit très et trop vite, comme nous l’avons vu avec le fantasmagorique Novitchok. Ici aussi, faisant de la France le chien fidèle d’intérêts étrangers, il promet une réponse commune avec les Etats-Unis après un coup de téléphone avec Trump.
Les Etats-Unis envisagent une opération au sol. Ils sont déjà sur le sol syrien sans autorisation de l’ONu ni du gouvernement légitime syrien, mais c’est un détail. Comment la Russie, l’Iran et la Turquie vont réagir s’ils lancent véritablement une opération terrestre? Certains ont peur que cela n’ouvre la voie à un conflit militaire avec la Russie.

En fait, les hostilités ont déjà commencé. Plusieurs fois, l’armée américaine a déjà bombardé des bases militaires syriennes, tué des soldats syriens pour protéger les groupes extrémistes notamment dans la région de Deir ez-Zor qui luttent contre Assad. Soit elle le fait elle-même, soit elle fait faire le sale travail par ses Etats satellites.

Pour mettre la pression avant la réunion du Conseil de sécurité d’aujourd’hui (en fait des réunions puisqu’en plus de celle demandée par les USA et leurs satellites, la Russie en a également demandé une), une base militaire syrienne a été bombardée cette nuit, près de Homs, la base T-4, faisant 14 morts. Des militaires, pas des terroristes. L’armée russe accuse l’armée israélienne d’avoir lancé 8 missiles téléguidés depuis le Liban, dont 5 ont été détruits.

Pourquoi cette montée en puissance des hostilités, pourquoi cet empressement?

Pour répondre à cette question, il faut replacer les derniers évènements, à savoir la nouvelle accusation de recourir aux armes chimiques alors que l’armée régulière avance et le bombardement d’une base militaire syrienne, dans un contexte plus général.

Dans le rapport USA/Russie, visant à discréditer la Russie pour en faire un Etat paria si elle ne veut pas se plier aux règles du jeu atlantiste, l’opération Skripal fut un énorme échec, qui restera comme une tache sombre dans l’histoire britannique comparable à celle de Colin Powell à L’ONU secouant un échantillon de sucre en poudre. Non seulement la Russie n’en est pas ressortie discréditée, mais à l’inverse, sa crédibilité a été augmentée. Les Skripal vont être exfiltrés par la CIA aux Etats-Unis, où ils changeront d’identité et l’affaire s’arrêtera là, sauf quelques petits sursauts médiatico-politiques de temps en temps. Un bon scandale chimique à la syrienne permet de faire passer la pilule et tourner les projecteurs sur un autre objet: la diabolisation du « Boucher Assad » permettant d’accentuer celle de la « Russie de Poutine ».

Par ailleurs, la question syrienne, elle, risque d’échapper totalement aux Etats-Unis et ces provocations ont été annoncées depuis le mois de mars par les officiels russes.

Cela a été rappelé par le Président russe il y a quelques jours, lors de sa visite officielle en Turquie.

Et pourquoi tous ces bruits ? Parce qu’en Turquie, s’est passé un évènement qui a perturbé les plans américains sur la Syrie. La Russie, l’Iran et la Turquie se sont réunies pour envisager la paix en Syrie, malgré leurs divergences. Sans les Etats-Unis, totalement isolés et impuissants. Impuissants à pacifier une région, tellement prompts à la détruire. Et le Washington Post l’a souligné :

The leaders of Iran, Russia and Turkey met Wednesday for high-level talks on ending the Syrian war, cementing their influence on the outcome of the conflict and isolating the United States from the region’s most crucial diplomacy.

Comment laisser passer un tel affront? Ce n’est pas possible. D’où cette attaque chimique qui tombe à point, les condamnations tombant avant même une enquête. Il est vrai que c’est devenu une habitude. Pour la Russie, aucune arme chimique n’a été utilisée et elle propose de faire venir des enquêteurs dès que la zone sera sécurisée. Qui croire? Ceux qui accusent sans preuves et sans enquête ou ceux qui proposent d’attendre que les faits soient établis pour tirer les conclusions ?

Finalement, que les Etats-Unis défendent leurs intérêts becs et ongles, c’est dans leur logique, celle de menacer de la politique de la terre brûlée ceux qui ne veulent pas se plier, leur faire peur et jouer sur leur culture pour qu’ils soient plus rationnels et se plient – et perdent. Mais que vient faire la France dans ce jeu qui ne la concerne pas? Dans un jeu qui se joue contre nos intérêts nationaux ?

Karine Bechet-Golovko