Un tribunal turc a condamné mercredi à des peines de prison plusieurs collaborateurs du quotidien d’opposition turc Cumhuriyet, reconnus coupables d’avoir aidé des organisations « terroristes », à l’issue d’un procès emblématique de l’érosion de la liberté de la presse en Turquie.
Treize collaborateurs de Cumhuriyet qui comparaissaient libres ont été condamnés à des peines de prison allant de deux ans et demi à plus de huit ans, et trois autres ont été acquittés. Le patron du journal, Akin Atalay, qui comparaissait en détention préventive, a été condamné à un total de plus de huit ans de prison, mais remis en liberté conditionnelle en attendant le résultat de la procédure en appel.
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Les journalistes condamnés ne seront pas écroués en attendant la procédure d’appel, ayant déjà bénéficié au cours du procès d’une mesure de remise en liberté conditionnelle, comme celle accordée mercredi à M. Atalay. Parmi eux, figurent le rédacteur en chef du journal Murat Sabuncu, qui a écopé de sept ans et demi de prison, et le journaliste d’investigation Ahmet Sik, qui a été condamné à la même peine. Lors de l’audience de mercredi, les journalistes jugés et leurs avocats avaient réclamé leur acquittement. « Vous aurez honte devant l’Histoire », a titré Cumhuriyet sur son site après l’annonce des peines dans la soirée.
Les collaborateurs du journal étaient notamment accusés d’avoir collaboré avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et le prédicateur Fethullah Gülen, désigné par Ankara comme le cerveau du putsch manqué de juillet 2016, ce que dément l’intéressé. Mais ce quotidien farouchement critique du président Recep Tayyip Erdogan rejette ces accusations qu’il qualifie d' »absurdes » et dénonce un procès politique visant à réduire au silence l’un des derniers organes de presse indépendants en Turquie.
« L’accusation n’a aucune preuve », a assuré mercredi l’un des avocats de la défense, Me Fikret Ilkiz, dans son ultime plaidoirie. « Dans cette affaire, des journalistes sont accusés d’avoir fait du journalisme. L’existence même de Cumhuriyet est perçue comme un crime ». Le procès des 17 collaborateurs de Cumhuriyet suscite l’inquiétude des défenseurs de la liberté de la presse. Ceux ci dénoncent la multiplication des pressions sur les médias sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan, en particulier depuis le putsch manqué. La Turquie occupe la 157e place sur 180 au dernier classement de la liberté de la presse établi cette semaine par l’ONG Reporters sans frontières (RSF).