Emmanuel Macron est arrivé jeudi en Nouvelle-Calédonie pour une visite jalonnée d’actes symboliques destinés à « consacrer des moments importants de notre histoire commune », mais sensible, à six mois du référendum sur l’indépendance, avec notamment un déplacement à Ouvéa, 30 ans tout juste après les sanglants événements.
A sa descente d’avion, le chef de l’Etat s’est dit « très heureux » de « venir ici dans une année qui est importante pour la Nouvelle-Calédonie ».
« Ce sera d’abord l’occasion (…) de consacrer des moments importants de notre histoire commune, des moments qui ont pu être parfois douloureux, comme ceux que nous aurons à commémorer », a souligné Emmanuel Macron, qui vient de passer trois jours en Australie, citant « l’anniversaire des 30 ans d’Ouvéa ».
La Nouvelle-Calédonie « est une chance, sur le plan géopolitique », « une richesse », « une opportunité », a-t-il déclaré à la presse avant de décoller de Sydney. Mais il a assuré qu’il n’avait « pas à prendre position » sur le référendum.
« Je respecte ce vote, qui est une première… C’est un exemple, le monde nous regarde faire », a ajouté M. Macron. « Il ne faut pas que ce soit un moment de tension inutile ». Quel que soit le résultat, « nous respecterons ce vote », a-t-il affirmé.
Lors de sa campagne présidentielle, il avait cependant exprimé le choix que le Caillou reste français.
M. Macron sera le premier président français à se rendre dans la province des îles Loyauté, à Ouvéa, théâtre le 5 mai 1988 de l’assaut meurtrier contre la grotte où des indépendantistes retenaient des gendarmes en otages.
Le président effectuera samedi sur l’île « trois gestes de mémoire et de recueillement » silencieux, sans discours.
Une cérémonie aura lieu devant la stèle commémorative de la gendarmerie de Fayaoué, théâtre le 22 avril 1988 de l’attaque d’un commando indépendantiste qui avait tué quatre gendarmes et pris 27 autres en otages.
Deux moments de recueillement seront observés à Wadrilla, où ont été assassinés le 4 mai 1989 les deux leaders nationalistes Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, par l’un des leurs, Djubelly Wea, et à quelques mètres de là, devant le monument des 19 militants kanaks tués (ainsi que deux militaires) lors de l’assaut de la grotte.
Mais ce déplacement divise à Ouvéa, où le comité de Gossanah (tribu au nord d’Ouvéa) a menacé de l’empêcher. L’Elysée souligne que ce comité est minoritaire, et indique avoir eu l’assurance des autorités coutumières pour la sécurité du déplacement.
« On ne bougera pas le programme », dit-on de même source, mais « le président est conscient que cette colère existe, que des gens sont encore enfermés dans une histoire très douloureuse ».
M. Macron « veut honorer les morts, les familles, mais aussi saluer toutes les réconciliations » qui ont eu lieu depuis entre les familles et les gendarmes, précise encore l’Elysée.
Autre geste fort attendu samedi, Emmanuel Macron remettra au gouvernement calédonien l’acte de prise de possession de la Nouvelle-Calédonie, le 24 septembre 1853, signé par le contre-amiral Auguste Fébvrier-Despointes au nom de Napoléon III, lors d’une cérémonie au Centre culturel Tjibaou.
Le chef de l’Etat prononcera aussi un « grand discours » au Théâtre de l’Île, toujours le 5 mai, date anniversaire de l’accord de Nouméa de 1998 qui a mis un terme aux violences et entamé un processus de décolonisation par étapes, ouvrant la voie au référendum d’autodétermination, prévu le 4 novembre.
Selon un sondage de l’institut local I-Scope en partenariat avec la télévision Caledonia, publié mercredi, les opposants à l’indépendance devraient largement l’emporter.
Conscient de la peur de troubles liés au référendum, dans une société encore très inégale et compartimentée malgré trente ans de concorde et de rééquilibrage économique, le président se rendra aussi vendredi à la cité Pierre-Lenquette, un quartier de « reconquête républicaine » de Nouméa.
M. Macron, arrivé en 3e position en Nouvelle-Calédonie derrière François Fillon et Marine Le Pen lors du premier tour de la présidentielle de 2017, avant de l’emporter avec un score inférieur à sa moyenne nationale au second (52,57% des voix), se rendra dans les trois provinces, comme l’a fait son Premier ministre lors de sa visite très saluée en décembre dernier pour son approche respectueuse de la société et des coutumes kanak.
Dès son arrivée jeudi, Emmanuel Macron doit rencontrer les membres du Sénat coutumier kanak, qui souhaitent que le président qualifie de « crime contre l’humanité » la violence de la colonisation de l’archipel.
Du côté de l’aile la plus à droite du camp des non-indépendantistes, on estime que la visite présidentielle est trop tournée vers l’identité kanak. Une « marche bleu blanc rouge » est prévue vendredi à Nouméa.