« N’attendons pas. Agissons maintenant! »: Emmanuel Macron a critiqué jeudi les atermoiements d’Angela Merkel sur les réformes en Europe, rendues plus nécessaires que jamais par l’unilatéralisme de Donald Trump sur l’Iran.
Le président français et la chancelière allemande sont engagés depuis des semaines dans des tractations complexes pour tenter de se mettre d’accord sur une série de projets de refondation de l’Europe post-Brexit, en vue d’un sommet européen fin juin.
Les discussions mettent les relations bilatérales à rude épreuve: elles achoppent notamment sur les propositions françaises visant à doter la zone euro d’un budget d’investissement pour doper la croissance.
Et Emmanuel Macron a profité de la remise d’une récompense pour son engagement pro-européen, le Prix Charlemagne, sur les terres mêmes d’Angela Merkel en Allemagne, pour signifier son impatience grandissante.
« Ne soyons pas faibles et choisissons », a-t-il lancé dans un discours très applaudi à Aix-la-Chapelle, un an après sa prise de fonction.
« Je crois à une zone euro plus intégrée, avec un budget propre », a insisté le chef de l’Etat français malgré les fortes réserves du gouvernement allemand. Berlin craint par ce biais de devoir payer pour les pays du sud de l’Europe, à ses yeux trop dépensiers.
Dans des propos inhabituellement durs, le chef de l’Etat français, qui a fait de l’Europe une priorité, s’en est pris à la timidité de l’Allemagne envers les dépenses et l’investissement.
« En Allemagne, il ne peut y avoir un fétichisme perpétuel pour les excédents budgétaires et commerciaux, car ils sont faits aux dépens des autres », a-t-il lancé lors de la cérémonie à laquelle assistait Angela Merkel.
Des propos en forme d’attaque directe contre son nouveau gouvernement, qui vient tout juste de décider d’un cap budgétaire très orthodoxe pour le pays: il n’y aura pas de déficit budgétaire jusqu’à la fin de la législature.
Sur les énormes excédents commerciaux allemands, qui valent également à Berlin le courroux de Washington, M. Macron a relevé qu’ils étaient plus importants « que ceux de la Chine ».
La chancelière a reconnu que le sujet de l’avenir de la zone euro était controversé avec la France. « Oui, nous avons des discussions difficiles », a-t-elle dit dans son éloge pour le prix accordé à M. Macron.
« Nous avons des cultures politiques et des manières d’approcher les sujets européens différentes », a-t-elle commenté fort diplomatiquement. Tout en se disant favorable à rendre la zone euro « plus résistante face aux crises ».
Les deux dirigeants se sont davantage retrouvés sur les autres réformes en Europe, dans les domaines de la défense ou de la politique étrangère notamment, face aux chamboulements impliqués par l’isolationnisme croissant des Etats-Unis et en particulier son cavalier-seul sur l’Iran.
« Le temps où l’on pouvait compter tout simplement sur les Etats-Unis pour nous protéger est révolu », a dit Mme Merkel, et « l’Europe doit prendre son destin elle-même en main ».
Emmanuel Macron lui a fait écho en plaidant pour « faire de l?Europe une puissance géopolitique » et « diplomatique ».
Il a implicitement critiqué la volonté des Etats-Unis de vouloir dicter leur conduite aux Européens sur le nucléaire iranien: »Si nous acceptons que d?autres grandes puissances, y compris alliées, y compris amies dans les heures les plus dures de notre histoire, se mettent en situation de décider pour nous notre diplomatie, notre sécurité, parfois en nous faisant courir les pire risques, alors nous ne sommes plus souverains ».
Suite à l’annonce du retrait de son pays de l’accord sur le nucléaire iranien, le président américain Donald Trump a menacé de sanctions les entreprises européennes qui continueraient à faire des affaires avec Téhéran.
Les pays européens au contraire entendent maintenir l’accord, qui prévoit la levée de sanctions en échange d’un contrôle du programme nucléaire iranien, et ils demandent aux Etats-Unis de ne pas les en empêcher.
Devant des étudiants à Aix-la-Chapelle, M. Macron s’est défendu à ce sujet de tout échec lors de sa récente visite à Washington, au cours de laquelle il avait multiplié les signes de complicité avec Donald Trump, faisant valoir qu’il n’était pas « un magicien ».