« Aujourd’hui, on est libres de jeûner ou pas », lance Ahmed Al-Hussein, un habitant de la ville syrienne de Raqa débarrassée des jihadistes où chacun peut renouer avec le ramadan sans craindre les intimidations ou les violences.
« Celui qui ne jeûnait pas était enfermé dans une cage en fer sur une place publique, sous le soleil et devant tout le monde, pour servir d’exemple », se souvient M. Hussein, casseur de pierre quadragénaire.
Raqa, grande ville dans le nord du pays, a vécu plus de trois ans sous le règne du groupe jihadiste Etat islamique (EI), connu pour ses innombrables exactions, avant d’être prise en octobre par des combattants kurdes et arabes soutenus par Washington.
Dans la ville ravagée par les combats, le ramadan, mois de jeûne musulman entamé jeudi, affiche une toute autre atmosphère cette année. Les habitants ne sont plus obligés de suivre l’interprétation rigoriste de l’islam imposée par les jihadistes.
Au programme notamment, les soirées en famille devant la télévision pour regarder les très populaires feuilletons du ramadan.
« Avec l’EI, on a été privé des feuilletons. Les traditions du ramadan nous manquaient », confie M. Hussein. Les jihadistes interdisaient en effet les chaînes satellitaires et les divertissements jugés contraires aux enseignements de la religion.
« A l’époque de l’EI, on pouvait ouvrir le restaurant uniquement deux heures avant la rupture du jeûne », qui a lieu au moment du coucher du soleil, se souvient le propriétaire d’un restaurant du centre-ville, Dakhil al-Farj.
« Celui qui était vu en train de manger (avant) était arrêté par la Hisba (police religieuse, ndlr) », poursuit le quadragénaire à la barbe épaisse.
« Maintenant, on commence à accueillir les clients dès 10 heures du matin. Les gens sont libres. Ceux qui veulent jeûner le font, ceux qui ne veulent pas sont libres aussi », ajoute-t-il.
Après la conquête de la ville par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition kurdo-arabe soutenue par Washington, des dizaines de milliers d’habitants qui avaient fui la ville y sont revenus.
Des quartiers entiers ont été ravagés, notamment par les bombardements de la coalition internationale anti-EI. A tous les coins de rue se dressent encore des immeubles éventrés.
Le courant électrique n’a pas été rétabli mais les habitants ont recours à des générateurs, et les commerçants sont très affairés.
Dans la plus célèbre boulangerie de la ville, les employés étalent la pâte qui va servir à la confection du Maarouk, un pain brioché saupoudré de sésame particulièrement prisé durant le ramadan.
« On a acheté des pâtisseries pour faire plaisir aux enfants, leur faire sentir l’esprit de ramadan », confie Nadia al-Saleh, un voile élaboré, bleu nuit et parsemé de brillants, encadrant son visage aux traits fins.
Mais pour elle, un tel achat n’est pas facile. « On n’a toujours pas de maison, on est installé chez d’autres gens, nos maris ne travaillent pas, notre situation est très mauvaise », poursuit la quadragénaire.