Une nouvelle vie commence pour Mamoudou Gassama: le jeune Malien sans-papiers, honoré en « héros » pour avoir sauvé un enfant à Paris, a été régularisé mardi et va entamer un service civique chez les pompiers de Paris.
Jogging gris et sweat noir, Mamoudou Gassama s’est rendu mardi en fin de matinée à la préfecture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, où lui a été remis un récépissé régularisant sa situation.
Le jeune homme de 22 ans, visiblement troublé par sa soudaine notoriété, a également signé mardi un contrat de 10 mois pour effectuer un service civique au sein de la Brigade des sapeurs pompiers de Paris, a indiqué le préfet de Seine-Saint-Denis Pierre-André Durand.
Mamoudou Gassama n’a pas souhaité s’exprimer devant les nombreuses caméras qui l’attendaient. « Il est ému, c’est bien normal », a glissé le préfet.
Sans perdre de temps, après son passage à la préfecture de Bobigny, le jeune Malien a été accueilli par les pompiers de Paris. « +Je vais tout faire pour y arriver+ a réagi #MamoudouGassama lors de sa visite de la caserne de Champerret », ont tweeté les pompiers de Paris après la rencontre.
Le « Spiderman du XVIIIe », comme il a été surnommé par la maire de Paris Anne Hidalgo, devrait recevoir d’ici un mois une carte de séjour de 10 ans avant d’être naturalisé français, promesse d’Emmanuel Macron.
« On peut imaginer que, s’agissant d’un jeune homme qui fait preuve d’un tel courage, d’un tel dévouement, d’un tel engagement pour sauver un membre de la communauté nationale, la volonté de devenir français sera évidemment démontrée », a déclaré devant l’Assemblée nationale le Premier ministre Edouard Philippe.
Son histoire lui a attiré une renommée mondiale. La superstar Rihanna s’est même dite, via l’application Instagram, « si heureuse » de ce qui lui arrive. Sur son compte Twitter, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, qui a téléphoné à l’intéressé pour le féliciter, a salué en Mamoudou Gassama « un digne et courageux fils du Mali ».
Il est arrivé en France en septembre au terme d’une migration périlleuse: il a été ainsi secouru en mer courant 2014, vraisemblablement par l’opération Mare Nostrum de la marine italienne, qui menait alors la quasi-totalité des secours au large de la Libye.
Il a ensuite été hébergé au Centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Castelnuovo di Porto, près de Rome, jusqu’à début 2016, selon Auxilium, l’association qui gère le centre.
Dans ce centre qui accueille des centaines de personnes pendant l’examen de leur demande d’asile, qui peut prendre entre six et 24 mois, il a fait une formation de pizzaïolo et fait partie d’une équipe de foot.
Son geste spectaculaire, où on le voit escalader à mains nues et en l’espace de quelques secondes la façade d’un immeuble pour secourir un enfant qui se trouvait suspendu par une main dans le vide, a été filmé par des passants ébahis.
Le garçonnet de 4 ans s’était retrouvé seul sur le balcon en l’absence de son père, qui sera jugé en septembre pour soustraction à ses obligations parentales.
Dans un communiqué transmis à l’AFP, l’avocat des deux parents a appelé au respect de leur vie privée face à une « épreuve particulièrement éprouvante ». « Ils aspirent aujourd’hui au calme afin que leur enfant puisse être tenu à l’écart du tumulte médiatique pris par cette affaire », écrit Me Romain Ruiz, évoquant certaines sollicitations « particulièrement intrusives ».
« Mes clients sont très affectés mais surtout extrêmement reconnaissants envers tous ceux qui ont concouru au sauvetage de leur fils », indique aussi l’avocat.
Si l’ensemble de la classe politique a salué le geste de Mamoudou Gassama, les associations d’aide aux migrants ont quant à elles dénoncé l' »hypocrisie » et la « récupération politique éhontée » de cette naturalisation, qui masque mal selon elles « la dureté de la politique » migratoire du gouvernement.
Des critiques partagées par l’Association malienne des expulsés (AME), pour qui « il ne faut pas attendre de sauver un Français pour être naturalisé français ».
« Les mêmes qui dénoncent l’opportunisme » de l’exécutif français « auraient crié si nous n’avions rien fait », a affirmé mardi sur Franceinfo le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, pour répondre à la polémique.