Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu entame une visite en France mardi et sera reçu à l’Elysée par le président français Emmanuel Macron, dans le cadre d’une tournée européenne qui le conduira aussi en Allemagne et au Royaume-Uni.
Il s’agit du troisième voyage officiel du Premier ministre israélien en France sous la présidence d’Emmanuel Macron.
Le chef du gouvernement d’extrême droite israélienne avait été invité par le président français lors d’une première visite le 16 juillet 2017 à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv.
Au cours d’une conférence de presse commune tenue depuis l’Elysée à l’issue de d’un entretien privée, Emmanuel Macron avait suscité une vive polémique en affirmant que l’antisionisme n’est autre que « la forme réinventée de l’antisémitisme » et en s’adressant à Netanyahu par « Cher Bibi » affichant une proximité ostensible.
La dernière visite remonte, quant à elle, au 10 décembre dernier, comme l’avait rapporté Anadolu.
Emmanuel Macron avait, à cette occasion, appelé Netanyahu à « faire un geste envers les Palestiniens » tout en fustigeant « toutes les formes d’attaques (…) contre Israël » et ajoutant que « tout ce qui menace la sécurité d’Israël est condamné avec fermeté par la France ».
Il fait fi, ainsi, des quatre morts et plusieurs centaines de blessés du côté palestinien dans les jours précédents son allocution intervenue après l’annonce par le président américain Donald Trump du transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jerusalem.
Les enjeux officiels
Le 27 mai dernier, l’Ambassade d’Israël en France, a indiqué que les échanges porteront sur «l’accord iranien, l’Iran, la Syrie, le Liban, les territoires palestiniens».
Les deux dirigeants inaugureront ensuite à Paris, l’exposition « Israël Lights », marquant le lancement de la «saison France-Israël 2018», mentionnent les organisateurs sur leur site officiel.
La «saison France-Israël 2018 (…) se déroulera de manière simultanée dans les deux pays entre les mois de juin et de novembre 2018» et mettent à l’honneur les relations entre la France et Israël, selon la même source.
Un contexte politique difficile
Cette visite intervient dans un contexte dramatique dans les relations entre le colon israélien et la Palestine et peut laisser penser à un parti pris de la France face au choix de la période choisie pour recevoir Netanyahu.
Le 14 mai dernier, l’armée israélienne s’était livrée à une répression sanglante à la frontière avec Gaza, contre des manifestants qui protestaient pacifiquement contre l’inauguration de l’ambassade israélienne à Jérusalem. Plus de soixante personnes ont été exécutées et des centaines d’autres ont été blessées par l’armée de l’occupation
Bilan qui ne cesse d’ailleurs d’augmenter. Selon les chiffres du ministère palestinien de la Santé dans la Bande de Gaza, le nombre des martyrs tombés sous les tirs de l’armée israélienne depuis le début de la Marche du Grand retour, depuis le 30 mars dernier, s’est alourdi à 123 martyrs et plus de 13000 blessés.
Des contestations inaudibles
Le 21 mai dernier, un collectif d’associations, d’intellectuels et de politiques a interpellé Emmanuel Macron pour réclamer « l’annulation de la France Israël » dans une tribune dont Anadolu avait reçu copie.
«Il serait inadmissible que cette « saison France-Israël » soit maintenue en dépit du dernier massacre de Gaza», écrivaient les militants signataires en référence au massacre du 14 mai avant d’ajouter :
Nous ne pouvons nous soumettre à la normalisation avec un régime colonial bafouant les droits de l’homme et les conventions internationales signées par la France.
Déjà, lors de la visite de Netanyahu en juillet 2017, l’Union Juive française pour la paix avait déploré dans un communiqué, la présence aux commémorations de la rafle du Vel d’Hiv du « représentant d’un régime dont le racisme s’affiche ouvertement » en dénonçant le fait de « considérer que les juifs français ne sont pas tout à fait français et doivent être représentés par l’Etat d’Israël ».
Le président d’honneur de l’association, Richard Wagman avait même qualifié la venue de Benjamin Netanyahu « d’impropre », sur les ondes de la radio française RTL.
Il est à noter que parallèlement à cela, le premier ministre français Edouard Philippe a annulé, il y a quelques jours, sa visite prévue en Israël le 31 mai, en invoquant un « agenda intérieur chargé ».
Condamnation de façade ?
La France n’a jamais caché sa volonté et son attachement à la création de « deux états vivant en paix » pour régler le conflit israélo-palestinien, comme l’avait plaidé Emmanuel Macron lors de la conférence de presse commune tenue à l’Elysée le 10 décembre dernier avec Netanyhu.
Il avait, par ailleurs, vivement condamné la décision de Donald Trump de transférer l’ambassade américaine à Jerusalem en la qualifiant de « contraire au droit international », s’alignant sur la position de la quasi-totalité de la communauté internationale.
Les intérêts économiques avant la cause palestinienne
La France, bien que condamnant les offensives militaires, s’emploie à préserver ses relations avec Israël. Pour illustration, l’interdiction officielle des campagnes de boycott de produits israéliens initiées notamment par le collectif Boycott Desinvestissement Sanction.
Lors d’une visite officielle en septembre dernier à Tel Aviv, le ministre de l’économie Bruno Le Maire avait déclaré condamner « toute forme de boycott » avant d’indiquer que « le Premier Ministre Netanyahu veut doubler les investissements israéliens en France d’ici l’année prochaine et, évidemment, j’invite toutes les compagnies françaises dans tous les secteurs à faire de même et à investir davantage en Israël », cité par le journal d’informations en ligne Médiapart.
La France est par ailleurs l’un des principaux partenaires économiques d’Israël en Europe, selon la même source.
Un traitement médiatique parfois biaisé
De nombreux médias français s’illustrent régulièrement par un traitement inéquitable des informations liées à Israël. Ainsi le journal Le Point est un parfait exemple.
Dans sa parution du 25 avril dernier, la Une du journal titrait « Le nouvel Israël », avec en guise de visuel, une jeune fille, blonde et souriante. Le 12 février 2015 déjà, la couverture laissait apparaître un couple de jeunes, visiblement heureux, sous le titre « être juif en France ».
Parallèlement, Le Point, a consacré un de ses numéros de 2012 à « cet Islam sans gêne », en 2015 au « spectre islamiste » ou encore aux « chrétiens face à l’Islam », ne cachant plus son obsession pour la religion musulmane.
Le Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF) participe régulièrement, notamment sur les réseaux sociaux, à la légitimation, dans la sphère médiatique, des crimes israéliens en Palestine.
Ainsi le 15 mai dernier, alors que l’armée de l’occupation venait d’exécuter une soixantaine de palestiniens, le CRIF a diffusé sur son compte Twitter, une citation de Golda Meir qui indique : « Nous pouvons pardonner aux arabes de tuer nos enfants mais nous ne pouvons pas leur pardonner de nous forcer à tuer leurs enfants. La paix s’installera le jour où les arabes aimeront leurs enfants plus qu’ils nous détestent ».
Le 7 mars dernier, invité au dîner annuel du CRIF, le président Macron avait déclaré face à l’assemblée : « La sécurité de notre allié israélien est une priorité absolue qui n’est pas négociable ».
France-Israël, une alliance indéfectible ?
La visite de Benjamin Netanyahu et le lancement de la saison « France-Israel 2018 » marque la solidité des liens entre les deux pays en dépit des violations répétées par Israël, du droit des palestiniens.
La France continue depuis des années à organiser des événements pour mettre en valeur l’économie ou encore le tourisme en Israël (exemple: « Tel Aviv sur Seine » à Paris)
Nombreuses ont été les fois où Paris a condamné les crimes israéliens, sans pour autant sanctionner les exactions en rompant ou limitant ses liens avec la puissance coloniale.
Autrement, s’agissant d’Israël les paroles de la France sont souvent en contradiction avec ses faits…