Le président français Emmanuel Macron reçoit vendredi le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte pour tenter de clore une semaine de fortes tensions entre Paris et Rome provoquées par la crise migratoire qui frappe l’Europe en général et l’Italie en particulier.
Ces derniers jours ont été ponctués d’éclats de voix entre les deux pays, traditionnels alliés et membres fondateurs de l’Union européenne, à cause de l’errance de l’Aquarius, navire chargé de plus de 600 migrants clandestins que l’Italie et Malte ont refusé de laisser accoster.
M. Macron avait mis le feu aux poudres mardi en critiquant durement Rome, évoquant « la part de cynisme et d’irresponsabilité du gouvernement italien », une alliance entre une formation populiste, le Mouvement Cinq Etoiles, et un parti d’extrême droite, la Ligue, récemment portée au pouvoir par les électeurs.
Souffleté, le gouvernement italien avait agité la menace d’une absence de M. Conte à la rencontre de Paris, deuxième sortie internationale du tout nouveau chef de gouvernement.
Finalement, les deux hommes se sont parlé par téléphone dans la nuit de mercredi à jeudi, puis les deux exécutifs ont publié chacun de leur côté un communiqué identique confirmant la tenue de la réunion.
Il y était dit que M. Macron déclarait n’avoir « tenu aucun propos visant à offenser l’Italie et le peuple italien », manière de jouer l’apaisement sans s’excuser, permettant à chacun de sauver la face.
Le dirigeant italien arrivera au palais présidentiel de l’Elysée vers 11h30 GMT pour un déjeuner avant une conférence de presse conjointe avec M. Macron vers 12h45 GMT.
– L’UE divisée –
Malgré la volonté d’apaisement, la racine de la crise franco-italienne est profonde, du fait de la déferlante migratoire sur l’Europe.
L’ambassadeur de France à Rome a ainsi été convoqué deux fois en moins de deux mois au ministère italien des Affaires étrangères, et toujours à cause de la situation migratoire. Une fois cette semaine après la sortie de M. Macron, et une fois le 30 mars après le contrôle d’un migrant par des douaniers français en territoire italien, jugé inadmissible par les autorités à Rome.
De plus en plus de pays se braquent face à l’inconséquence de la gestion européenne de cette crise, et particulièrement l’Italie, un des points d’entrée des migrants.
« Nous devons maintenant travailler à la réforme des règles de Dublin », a déclaré jeudi à Rome M. Conte. Ces règles imposent au pays européen ayant enregistré pour la première fois la demande d’asile d’un migrant de l’examiner jusqu’au bout, faisant peser sur les pays d’entrée du sud de l’Europe la majeure partie de la pression migratoire.
D’autant que l’UE est profondément divisée face à cette crise, certains pays refusant toute idée de quotas obligatoires de migrants, d’autres voulant s’organiser pour s’attaquer frontalement au problème, et tous ou presque faisant face à une montée de l’hostilité des électeurs face aux arrivées massives et à la cacophonie européenne.
Le président du Parlement européen, l’Italien Antonio Tajani, a récemment estimé que de la gestion des flux migratoires dépendait la « survie » de l’UE, tandis que la chancelière allemande Angela Merkel estime que c’est un « test décisif pour l’avenir » de l’Europe.
MM. Macron et Conte pourraient aussi évoquer la situation à la frontière, à Vintimille, où se massent les migrants voulant gagner la France, et que les autorités françaises repoussent vers l’Italie.
La crise migratoire est tellement prégnante qu’elle va sans doute reléguer au second plan les autres sujets prévus lors de cette rencontre: les relations bilatérales prévues dans le traité du Quirinal, et les projets de réformes de la zone euro qui seront abordés lors du Conseil européen des 28 et 29 juin.
Pendant ce temps, l’Aquarius continue sa traversée vers les côtes de l’Espagne, où le gouvernement socialiste estime que son « coup d’éclat » doit servir à faire « bouger » les autres pays européens, selon le ministre des Affaires étrangères Josep Borrell.
Mardi soir, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’est entretenu avec M. Borrell, proposant à l’Espagne d’accueillir en France une partie des migrants « répondant aux critères du droit d’asile » après leur débarquement à Valence.