L’aile droite de la coalition gouvernementale allemande compte fixer lundi un ultimatum à Angela Merkel pour obtenir la fermeture des frontières aux migrants, au risque de provoquer une crise politique majeure en Allemagne voire même en Europe.
« C’est la journée où le destin d’Angela Merkel et celui du gouvernement se décident », estime le quotidien Bild, le plus lu du pays.
Car en Allemagne, l’arrivée de plus d’un million de demandeurs d’asile en 2015 et 2016 a provoqué une onde de choc politique persistante.
Et l’Union européenne n’est pas en reste, ses membres ne parvenant pas à s’accorder sur des solutions pérennes pour organiser l’accueil des migrants et protéger les frontières.
Cette crise migratoire a aussi contribué à l’essor de l’extrême droite un peu partout en Europe. En Italie ou en Autriche, elle est entrée au gouvernement, et en Allemagne, son succès aux législatives a entraîné les actuels déchirements sans précédent au sein du camp conservateur de la chancelière.
Car l’aile la plus conservatrice de sa fragile coalition gouvernementale – qui va de la droite dure aux sociaux-démocrates -, le parti bavarois CSU, veut imposer un tour de vis à la politique d’immigration nationale.
Objectif: refouler dorénavant tous les migrants à la frontière qui ont déjà été enregistrés dans un autre pays de l’UE, le plus souvent l’Italie ou la Grèce. Cela correspondrait à la quasi-totalité des demandeurs d’asile arrivant en Allemagne.
Cohésion de l’Europe
La chancelière centriste refuse, redoutant qu’un tel cavalier seul ne crée le chaos et n’obère toute chance d’une solution européenne négociée et d’un système d’asile partagé.
« Il s’agit d’un défi européen qui nécessite une réponse européenne », a-t-elle dit ce week-end, prévenant que la « cohésion de l’Europe » était en jeu.
Mais l’Union chrétienne-sociale CSU, qui se prépare à de difficiles élections régionales en Bavière en octobre, perd patience. Elle accuse la chancelière et son parti démocrate-chrétien (CDU), avec lequel elle est alliée depuis 1949, de laxisme.
La direction du parti bavarois se réunit ainsi lundi matin à Munich avec l’objectif d’autoriser son président Horst Seehofer, également ministre fédéral de l’Intérieur, à défier Angela Merkel et imposer les refoulements aux frontières par décret.
S’il passait immédiatement à l’acte, la chancelière n’aurait d’autre choix que de le limoger, ce qui provoquerait l’éclatement de la coalition au pouvoir depuis seulement trois mois et probablement de nouvelles élections.
Mme Merkel réunit également dans la matinée la direction de son parti. Elle comme M. Seehofer ont prévu de s’exprimer en début d’après-midi.
Le ministre de l’Intérieur semble prêt à accorder un dernier délai de deux semaines à la chancelière, jusqu’au sommet de l’UE fin juin, pour qu’elle y négocie un accord sur le refoulement des migrants. A défaut, ce sera la crise.
« Il est essentiel que le sommet de l’UE prenne enfin des décisions », a averti M. Seehofer, dans une tribune publiée lundi par le quotidien FAZ, jugeant la situation « grave mais encore soluble » et assurant ne pas vouloir « faire tomber la chancelière ».
Semaine décisive
La semaine s’annonce donc décisive pour l’avenir de la chancelière. Et la partie compliquée, car ce qu’exige son aile droite est précisément ce dont ne veut pas l’Italie, pays d’arrivée des migrants qui réclame leur répartition en Europe.
Angela Merkel reçoit justement lundi soir son homologue italien Giuseppe Conte, dont le pays refuse désormais l’accès à ses ports aux navires d’ONG secourant des migrants en Méditerranée. Rome a illustré sa fermeté en barrant la route à l’Aquarius et ses 630 naufragés, provoquant des tensions européennes jusqu’à l’accueil du navire et ses passagers par l’Espagne.
Mardi, la chancelière doit recevoir le président français Emmanuel Macron et celui de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
Et une réunion spéciale des principaux dirigeants européens pourrait avoir lieu sur le sujet avant le sommet de l’UE des 28 et 29 juin.
La pression est d’autant plus forte sur Angela Merkel que sa popularité en Allemagne chute, tandis que l’extrême droite progresse dans les sondages.
Le mécontentement croissant de l’opinion est exacerbé par des faits divers, en particulier le viol et l’assassinat récents d’une adolescente par un jeune demandeur d’asile irakien débouté arrivé en 2015.
Par ailleurs, lundi s’ouvre le procès d’un jeune réfugié afghan accusé d’avoir mortellement poignardé son ancienne petite amie de 15 ans dans un supermarché.