Alors que les Européens se déchirent sur la réponse à apporter face aux arrivées de réfugiés, la Hongrie du Premier ministre national-souverainiste Viktor Orban a procédé mercredi à un nouveau tour de vis en rendant passible de poursuites pénales l’aide aux migrants.
Comme promis par le dirigeant avant sa confortable réélection pour un troisième mandat consécutif en avril, le Parlement a adopté à une écrasante majorité (160 voix contre 18) un ensemble de lois dénommé « Stop-Soros », malgré les réserves des organisations de défense des droits de l’Homme.
La nouvelle législation institue notamment une peine allant jusqu’à un an de prison pour toute personne portant assistance à une personne entrée illégalement en Hongrie depuis un pays n’appartenant pas à l’espace Schengen, si la vie de l’intéressé n’est pas immédiatement en danger.
Le nom de l’ensemble législatif fait allusion au milliardaire américain George Soros, bête noire de M. Orban qui l’accuse d’orchestrer par le biais des ONG qu’il finance une « immigration de masse » vers l’UE, ce que M. Soros a démenti.
Le dirigeant hongrois, qui se présente comme le fer de lance de la défense de l' »Occident », a érigé dès 2015 une barrière anti-migrants de plusieurs centaines de kilomètres à la frontière avec la Serbie et la Croatie et est régulièrement cité en modèle par des ténors d’extrême droite à travers le monde.
Il a également fait procéder mercredi à un changement de la Constitution, laquelle stipule désormais qu’aucune instance ne peut porter atteinte à « la composition de la population » hongroise, une disposition destinée à rendre inconstitutionnelle l’imposition de quotas de migrants par l’Union européenne.
– « Culture chrétienne » –
« Nous renforçons la souveraineté de la Hongrie. Avec cette modification constitutionnelle nous interdisons l’établissement de populations étrangères en Hongrie », s’est félicité le gouvernement, affirmant « faire valoir la volonté des Hongrois » conformément au mandat reçu lors des élections.
« Cette protection renforcée est nécessaire, car la pression migratoire frappant l’Europe est continuelle », a poursuivi le gouvernement, qui a jugé que « la politique de Bruxelles favorable à la migration menace notre pays d’être envahi pas les migrants ».
La Constitution hongroise fait désormais de « la défense de la culture chrétienne » une obligation pour toutes les institutions de l’Etat. L’ensemble législatif interdit par ailleurs aux sans-abri de passer la nuit dans les espaces publics.
Mardi, lors de l’adoption d’une loi de finances, le Parlement avait déjà voté la création d’une taxe de 25% sur les ONG soupçonnées de venir en aide aux migrants.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont dénoncé mercredi une nouvelle « attaque » contre les libertés publiques en Hongrie.
« Le fait de criminaliser un travail essentiel et légitime de défense des droits de l’Homme constitue une attaque éhontée contre des gens recherchant à se mettre à l’abri des persécutions et contre ceux effectuant un travail admirable pour leur venir en aide », a estimé Amnesty international.
« C’est un nouveau coup bas dans une campagne de plus en plus dure visant la société civile et nous y résisterons pied à pied », a ajouté l’ONG.
– Agenda européen –
Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) s’est pour sa part dit « profondément préoccupé » par la nouvelle législation qui interdit d’offrir une « protection aux enfants réfugiés et migrants ainsi qu’à leurs familles ».
Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avait de son côté déjà appelé fin mai la Hongrie à « retirer » le paquet législatif en question, car il « restreindrait de façon significative la capacité des ONG et des individus à soutenir les demandeurs d’asile et les réfugiés ».
La fondation Open Society de George Soros, qui finance de nombreuses ONG en Hongrie et dans le monde, avait annoncé ce printemps son départ de Hongrie avec des mots très durs pour l’hostilité croissante à laquelle elle est confrontée dans ce pays.
La question migratoire s’est hissée en haut de l’agenda européen ces derniers jours à la suite d’une crise gouvernementale entre la chancelière allemande Angela Merkel et ses alliés bavarois de la CSU, favorables à un durcissement.
La Commission européenne a annoncé mercredi avoir invité les dirigeants de plusieurs pays de l’UE à une « réunion de travail informelle » dimanche à Bruxelles sur l’asile et les migrations, quelques jours avant un sommet des 28 sur ce thème qui les divise.
Les dirigeants des pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Rép. tchèque et Slovaquie), doivent par ailleurs se réunir jeudi à Budapest pour une réunion à laquelle est également convié le chancelier conservateur autrichien Sebastian Kurz, favorable comme eux à une ligne dure.