Plusieurs milliers de spectateurs, hommes, femmes et enfants, ont assisté mercredi soir au stade Azadi de Téhéran à une retransmission inédite, en direct sur écran géant, du match Iran-Espagne disputé en Russie pour le Mondial-2018 de football.
Dans une République islamique d’Iran où les femmes n’ont pas le droit d’aller au stade voir des hommes jouer au football, c’est « la première fois qu’une telle » retransmission pour un public mixte « a lieu dans une enceinte sportive », comme l’a relevé l’agence de presse iranienne Isna.
La soirée avait cependant mal commencé pour les candidats aux gradins du stade emblématique de la capitale iranienne. Vers 20H00 (15H30 GMT), soit deux heures et demie avant le coup d’envoi, le bruit courait que la retransmission avait été « annulée ».
Plusieurs centaines de supporteurs de la Team-e Melli (« Équipe nationale » en persan) en vert-blanc-vert piaffaient d’impatience, soufflant tant qu’ils pouvaient dans leur vuvuzelas pour un grand bourdonnement de protestation face à un cordon de policiers qui leur refusaient l’entrée.
Interrogée par l’AFP, une jeune femme retenait ses larmes pour tenter de contenir sa déception: elle ne se souvenait plus de la dernière fois qu’elle avait été au stade, si ce n’est qu’elle était toute jeune et que sa famille l’avait fait passer pour un garçon.
L’interview n’a pu être achevée, des policiers anti-émeutes ayant prié les journalistes de l’AFP de quitter les lieux alors que la tension montait aux abords du stade, dont les forces de l’ordre bloquaient les accès routiers, provoquant un embouteillage monstre.
La police a finalement laissé les portes s’ouvrir, et quelque 4.000 personnes ont pu assister au coup d’envoi, selon un photographe présent sur place, loin des 10.000 spectateurs qu’avait pronostiqués dans la matinée l’agence Isna.
Des photos de la foule bigarrée à l’intérieur du stade ont été publiées sur Twitter. A quelques minutes de la fin de la rencontre, l’Iran était mené 1-0 par l’Espagne, malgré une belle résistance.
Mises en vente en ligne au prix de 150.000 rials (moins de deux euros), les places avaient rapidement trouvé acquéreurs. Le capacité du stade Azadi (« Liberté » en persan) est estimée à 100.000 personnes.
« Début pour les familles »
Le flottement avant l’ouverture de l’arène montre combien la question de l’admission des femmes dans les stades avec les hommes reste sensible en Iran.
Vendredi, pour l’entrée en lice de l’Iran dans la compétition, les autorités avaient d’abord annoncé que les familles pourraient se rendre au stade Azadi pour suivre Iran-Maroc sur écran géant, avant de faire brusquement machine arrière et d’annuler la retransmission de la rencontre dans le stade et les jardins publics de la capitale sans fournir d’explication.
L’espoir pour les fans est revenu mercredi matin après qu’une députée, Tayebeh Siavoshi, eut annoncé que le Conseil provincial de Téhéran avait autorisé la retransmission d’Iran-Espagne au stade Azadi « en présence de familles ».
« Avec le respect des règles dont feront preuve les spectateurs, nous espérons qu’il sera possible de retransmettre le match Iran-Portugal (le 25 juin) dans ce même stade, et que cela sera le début de la présence de familles au stade Azadi pour assister à de vrais matches », a dit à Isna Mme Siavoshi, qui milite pour l’admission des femmes dans les stades.
Depuis la révolution islamique de 1979, les Iraniennes n’ont pas le droit d’assister aux matches de football masculins, officiellement pour les protéger des injures et du comportement vulgaire des supporteurs.
Certaines bravent l’interdiction en se travestissant à l’aide de perruques ou de barbes ou moustaches postiches.
Quand ils s’agit de football féminin, seules les femmes ont le droit d’assister aux rencontres.
Après la victoire de l’Iran (1-0) contre le Maroc vendredi, une foule jeune et largement féminine a célébré pendant plusieurs heures cette performance dans les rues de Téhéran, comme si l’équipe nationale avait remporté le trophée planétaire.