Les Roms d’Italie veulent montrer à Salvini qui ils sont vraiment

Dans la poussière d’un camp de Roms à la périphérie de la capitale italienne, la vie continue en dépit des menaces du nouveau ministre de l’Intérieur, et patron de la Ligue (extrême droite), Matteo Salvini.

Déjà sous le feu des critiques pour avoir refusé d’ouvrir les ports italiens à un navire humanitaire, l’Aquarius, avec à son bord 630 migrants, M. Salvini a suscité une nouvelle vague d’indignation en annonçant un prochain recensement des Roms vivant en Italie

Ces propos ont soulevé un tollé dans les rangs de l’opposition de gauche et un certain malaise au sein du nouveau gouvernement populiste italien. Un « fichage » dénoncé comme tel par la gauche et les organisations de défense des droits de l’homme, que certains ont comparé aux lois raciales votées en 1938 en plein fascisme.

Mais au « River village », nom de ce camp de Roms, situé loin des routes principales et des palais du centre historique de la ville éternelle, on préfère se tenir loin de cette polémique.

« S’il (Salvini) veut venir ici, nous l’accueillerons avec courtoisie. Il faut qu’il voit comment nous vivons », assure Habibi Mehmedi, 18 ans.

– ‘Mauvaises choses’ –

Bien sûr, « il y en a certains chez nous qui font de mauvaises choses, mais la plupart ici sont Italiens et n’ont jamais commis aucun délit », ajoute-t-il, interrogé par l’AFP.

Marcello Zuinisi, fondateur de Nazione Rom (nation Rom), une association qui se bat pour les droits des Roms et Sintis (tziganes) en Italie, considère qu’il ne faut pas trop avoir peur des menaces du nouveau ministre de l’Intérieur et homme fort du gouvernement italien.

« Je connais Matteo Salvini, nous avons eu plusieurs conversations », a-t-il assuré. Et, « je ne crois pas qu’il fasse grand chose, ce sont juste des mots », a-t-il ajouté.

Et pour le prouver il montre à l’AFP un message qu’il a envoyé au ministre de l’Intérieur pour l’avertir que l’Institut de la statistique en Italie avait déjà mené une longue enquête en 2017 sur les Roms d’Italie.

Et « plus tard dans la journée, il a changé son discours et a commencé à évoquer la façon dont les fonds européens (à destination des Roms) ont été utilisés. il m’a écouté », a-t-il affirmé.

M. Zuinisi a ainsi expliqué que son association s’était rendue à Bruxelles récemment pour réclamer de la Commission européenne une enquête sur l’utilisation des sept milliards d’euros de fonds structurels accordés à l’Italie pour favoriser le logement, la santé ou l’éducation des Roms et des sans-abri.

– ‘Cachet d’aspirine’ –

« Mais dans les camps, on a rien reçu, même pas un cachet d’aspirine », a-t-il affirmé.

Selon l’Association 21 juillet, il y a en Italie entre 120 et 180.000 Roms et Sintis, dont environ 16.400 vivent dans des camps comme celui de River village, disséminés dans 87 villes différentes. Dans ces camps, 43% des résidents sont Italiens, le reste provenant essentiellement de pays de l’ex-Yougoslavie.

Rien qu’à Rome, il y a 17 camps, et bien que les « Zingari », les tziganes ou Roms ne représentent que 0,3% de la population en Italie, ils sont sujets à toute sorte de discrimination. Souvent accusées de vols et trafics en tout genre, les Roms ont du mal à s’insérer, surtout dans la capitale italienne où le crime organisé est pour partie entre les mains de clans d’origine Sinti.

En avril dernier, la police a arrêté à River village une dizaine de personnes après un vol de voitures. Et pour accéder à ce camp, il faut franchir un « check-point » de la police au bout d’une petite route qui longe le Tibre, le fleuve qui traverse Rome.

Quelque 127 familles, et environ 180 enfants, vivent dans ce camp, dans des bungalows, des caravanes ou des structures préfabriquées.

C’est l’un des meilleurs camps de la capitale, affirme M. Zuinisi, qui souligne par exemple que tous les enfants vont à l’école.

Pourtant, River village n’a pas l’eau courante, et l’eau potable est livrée par une compagnie privée.

– Absence de travail –

« Et heureusement, vous imaginez ce que ce serait de vivre ici avec cette chaleur ! », lance Albert Hasimi, un Kosovar âgé de 18 ans, qui a vécu presque toute sa vie en Ialie.

Mais la principale préoccupation est l’absence de travail, pour la simple raison, explique-t-il, que les employeurs ne veulent pas embaucher des Roms.

« Tout le monde dit que les tziganes volent, mais la Camorra (la mafia napolitaine) ? Ils pensent que leur race vaut mieux que la notre. C’est vraiment aussi simple que ça ? », lance avec amertume Habibi Mehmedi.

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