Le Premier ministre conservateur autrichien Sebastian Kurz est l’invité jeudi de son homologue hongrois Viktor Orban pour un sommet des pays d’Europe centrale favorables à une ligne dure dans le dossier migratoire, à quelques jours de réunions cruciales à Bruxelles sur ce sujet qui divise les Vingt-Huit.
Le jeune dirigeant autrichien, qui a formé fin 2017 un gouvernement avec l’extrême droite, est l’invité exceptionnel du groupe de Visegrad rassemblant la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, auquel l’Autriche n’appartient pas mais qui comme Vienne défend une politique sans concession en la matière.
La réunion « se focalisera sur la protection des frontières extérieures, notamment le renforcement de (l’agence européenne) Frontex et les mesures à prendre contre l’immigration illégale via l’Albanie », a précisé la chancellerie autrichienne.
Organisée à Budapest en amont de la présidence tournante de l’Union européenne que Vienne assumera à partir du 1er juillet, ce sommet prend un relief particulier à trois jours d’un mini-sommet européen sur le sujet, annoncé en catastrophe mercredi par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker.
Illustrée par l’errance de l’Aquarius, ce navire avec 630 migrants à son bord auquel l’Italie a refusé d’ouvrir ses ports en dénonçant le manque de solidarité de ses voisins de l’UE, la nécessité de trouver une réponse commune à la question migratoire s’est hissée tout en haut de l’agenda européen.
Elle doit dominer l’ordre du jour du Conseil européen des 28-29 juin, pour lequel la chancelière allemande Angela Merkel a été mise en demeure par ses alliés bavarois de la CSU de décrocher un durcissement de la politique de l’UE, sur fond de montée de l’extrême droite dans plusieurs pays comme l’Italie.
La réunion de Budapest jeudi doit permettre aux pays du groupe de Visegrad et à l’Autriche de souligner leur communauté de vues dans ce dossier.
– ‘Nouvelle dynamique’ –
Fer de lance d’une ligne intransigeante sur la question, Viktor Orban a érigé dès 2015 une barrière anti-migrants de plusieurs centaines de kilomètres à la frontière avec la Serbie et la Croatie, et est régulièrement cité en modèle par des ténors d’extrême droite à travers le monde.
Deux mois après sa confortable réélection, la majorité nationale-conservatrice au Parlement hongrois a opéré mercredi un nouveau tour de vis anti-immigration, en rendant passible de poursuites pénales l’aide aux migrants et en inscrivant « la défense de la culture chrétienne » dans la Constitution.
La Hongrie, opposée comme ses voisins du groupe de Visegrad aux quotas obligatoires de relocalisation de migrants que Bruxelles tente en vain d’imposer depuis plus de deux ans, a en outre rendu une telle mesure inconstitutionnelle.
M. Kurz, qui se targue d’avoir été un des principaux artisans de la fermeture aux migrants de la « Route des Balkans » début 2016 alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, s’est pour sa part réjoui qu’une « nouvelle dynamique » soit apparue au plan européen dans le dossier migratoire.
Recevant mercredi ses alliés bavarois de la CSU, avec qui il a formé début juin un « axe » controversé anti-immigration aux côtés de l’Italie, il s’est montré conforté dans sa ligne politique et n’a pu s’empêcher de décocher une flèche envers la politique de la main tendue aux migrants initiée par Mme Merkel.
Ce sont « ceux qui avaient ouvert les frontières en 2015 (qui) sont responsables du fait qu’il y ait aujourd’hui des frontières entre l’Autriche et la Bavière, entre la Hongrie et l’Autriche, entre l’Italie et l’Autriche. Et que la situation va peut-être encore empirer », a-t-il estimé.
M. Kurz, qui doit participer au mini-sommet européen de dimanche aux côtés d’au moins neuf autres dirigeants dont Mme Merkel et le président français Emmanuel Macron, selon la presse, s’est toutefois montré prudent quant aux chances de décrocher des avancées concrètes au sein de l’UE dès ce mois-ci.
« La direction est la bonne », a-t-il relevé. Mais peut-être faudra-t-il attendre le sommet européen informel que Vienne organisera sur cette question en septembre à Salzbourg pour parvenir à une « solution » commune, tant les positions sont divergentes, a estimé M. Kurz.