Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme a qualifié vendredi de « lamentable » la situation au Venezuela, appelant à créer une commission d’enquête internationale et demandant un « engagement accru » de la Cour pénale internationale (CPI).
« L’impunité doit cesser », a affirmé Zeid Ra’ad Al Hussein, à l’occasion de la publication d’un rapport sur le Venezuela.
« Etant donné que l’Etat ne semble ni capable ni disposé à poursuivre les auteurs de violations graves des droits de l’Homme, il y a de solides raisons de demander un engagement accru de la Cour pénale internationale », a-t-il souligné.
La CPI a ouvert en février un examen préliminaire sur des crimes commis au Venezuela, théâtre de troubles politiques meurtriers.
Le Haut-Commissariat demande aussi la création d’une commission d’enquête internationale par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, comme il en existe pour la Syrie.
La publication du rapport fait suite à un premier rapport accablant du Haut-Commissaire, publié en août 2017, qui dénonçait déjà le « recours généralisé et systématique à une force excessive pendant les manifestations, et la détention arbitraire de manifestants et d’opposants politiques présumés ».
Usage de la force excessive, détentions arbitraires, tortures et mauvais traitements, incluant des simulacres d’exécution et des décharges électriques, se poursuivent selon le Haut-Commissariat, qui souligne que cette répression menée par les autorités de l’Etat a commencé en 2014.
– Exécutions extrajudiciaires –
Ce nouveau rapport accuse par ailleurs diverses forces de sécurité vénézuéliennes d’avoir procédé depuis 2015 à des centaines d’exécutions extrajudiciaires, visant surtout des jeunes dans les quartiers pauvres, dans le cadre d’opérations de lutte contre la criminalité.
Plus de 500 exécutions extrajudiciaires auraient ainsi été menées entre juillet 2015 et mars 2017, selon le rapport qui s’appuie sur des statistiques de l’ancien procureur général, désormais en exil.
« Ces opérations de lutte contre la criminalité étaient davantage un exercice visant à montrer que le gouvernement est sérieux dans la lutte contre la criminalité », a expliqué aux médias une porte-parole du Haut-Commissariat, Ravina Shamdasani.
« Quand une boîte de pilules contre l’hypertension coûte plus cher que le salaire minimum mensuel et le lait en poudre pour bébé plus de deux mois de salaire, mais que manifester contre une telle situation peut vous mener en prison, l’injustice extrême de tout cela est flagrante », a fait valoir le Haut-Commissaire.
Les autorités vénézuéliennes ayant refusé l’accès du pays aux experts de l’ONU, M. Zeid a chargé une équipe de spécialistes des droits de l’Homme d’interviewer à distance quelque 150 personnes, dont des victimes et leurs familles, ainsi que des témoins, des journalistes, des avocats et des médecins notamment.
Ces témoignages ont montré que les méthodes pour « intimider et réprimer l’opposition politique ou toute personne perçue comme étant une menace au gouvernement » se poursuivent mais que « ces détentions sont devenues plus sélectives que durant la période des manifestations », visant des activistes, des étudiants, des défenseurs des droits de l’Homme, des travailleurs des médias et des membres des forces armées.
Au moins 12.320 personnes ont été détenues dans le pays entre janvier 2014 et avril 2018, et plus de 7.000 d’entre elles ont été libérées avec comme condition de respecter un certain nombre de mesures limitant leurs libertés, pointe le rapport, utilisant des éléments communiqués par des représentants de la société civile.
Au moins 570 personnes, dont 35 enfants, ont été détenues depuis août dernier.
Le président Maduro, au pouvoir depuis 2013, a été récemment réélu jusqu’en 2025, au terme d’un scrutin vivement critiqué à l’étranger.