Le sommet Trump-Kim s’est achevé sur un engagement de la Corée du Nord en faveur d’une « dénucléarisation complète » mais les détails ont été remis à des négociations ultérieures et dix jours après, aucune avancée concrète n’a été enregistrée.
Dans sa déclaration conjointe avec le président américain Donald Trump, le 12 juin à Singapour, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un « a réaffirmé son engagement ferme et inébranlable envers la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne ».
Une formulation vague qui a déçu les attentes des experts, d’autant qu’elle ne fait pas mention de la nécessité que ce processus soit aussi « vérifiable et irréversible », comme le réclamaient les Etats-Unis.
Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo assure pourtant que cela reste l’objectif de Washington, et que le terme « complète » englobe « vérifiable et irréversible ».
L’administration américaine affirme d’ailleurs beaucoup de choses: que la dénucléarisation va débuter « très rapidement » (Trump, le 12 juin), qu’elle a même « déjà commencé » (Trump, le 21 juin), que Kim Jong Un « a compris l’urgence » (Pompeo, le 13 juin), que « l’essentiel du désarmement » nucléaire nord-coréen devrait intervenir d’ici fin 2020 (Pompeo, le 13 juin) et enfin qu’il « n’y a plus de menace nucléaire de la part de la Corée du Nord » (Trump, le 13 juin).
Mais cette confiance affichée repose, à ce stade, uniquement sur la parole que le dirigeant nord-coréen aurait donnée au président américain, dans le huis clos de leur tête-à-tête historique. Une confiance qui laisse sceptique plus d’un observateur.
« C’est l’une des déclarations les plus naïves jamais faites par un diplomate américain », commente Thomas Wright, de la Brookings Institution, quand Mike Pompeo explique que Kim Jong Un a pris « un engagement personnel et a mis sa réputation en jeu ». « S’il y croit vraiment, c’est effrayant », ajoute le chercheur.
Les négociations reportées
« Etant donné les violations répétées, par la Corée du Nord, des différents accords dans le passé, il y a très peu de raisons de leur faire confiance cette fois-ci », a renchéri Abraham Denmark, du think tank Wilson Center, lors d’une audition devant le Congrès cette semaine.
Preuve que la confiance a d’ailleurs ses limites, lorsqu’il s’agit de documents officiels, le ton change.
« Les actes et les politiques du gouvernement de Corée du Nord continuent de constituer une menace exceptionnelle et extraordinaire pour la sécurité nationale, la politique étrangère et l’économie des Etats-Unis », a écrit vendredi Donald Trump dans un avis transmis au Congrès pour justifier le maintien des sanctions contre Pyongyang et la prorogation pour une année supplémentaire de « l’état d’urgence national » décrété en 2008 à cet égard.
La déclaration de principes de Singapour doit faire l’objet de négociations de suivi pour préciser les engagements et le calendrier. Beaucoup de choses ont été évoquées à l’oral mais les discussions n’étaient pas assez avancées pour les mettre par écrit, a plaidé Mike Pompeo.
Ce dernier devait théoriquement entamer ces nouvelles négociations dès cette semaine, d’après ce qu’avait annoncé Donald Trump dans la foulée du sommet.
Mais le chef de la diplomatie américaine se borne à dire qu’il retournera « sans doute dans pas très longtemps » en Corée du Nord.
Et le département d’Etat assure qu’aucune rencontre ou déplacement ne peut être annoncé à ce stade. « Nous sommes en communication avec le gouvernement nord-coréen », dit-il seulement, « le secrétaire d’Etat Pompeo les rencontrera dès que possible ».
Les vraies négociations pour la mise en oeuvre des engagements du sommet n’ont pas démarré.
Le processus de dénucléarisation non plus, semble-t-il, malgré les déclarations du président américain.
Son ministre de la Défense Jim Mattis a ainsi confirmé mercredi que Pyongyang n’avait pris aucune mesure jusque-là pour démanteler son programme atomique. « Les négociations détaillées n’ont pas commencé, il ne faut pas s’attendre à cela pour l’instant », a-t-il expliqué.
Quid donc des « très bonnes nouvelles » parvenues « ces derniers jours » de Corée du Nord, selon Donald Trump? Mystère, et embarras dans l’administration américaine qui peine à étayer les affirmations présidentielles.
Quant aux « quatre sites d’essais » que le régime reclus aurait « déjà détruits », le président républicain faisait en réalité référence, a expliqué un porte-parole du département d’Etat à l’AFP, au site d’essais nucléaires de Punggye-ri et à ses tunnels souterrains, officiellement démantelés mais le 24 mai, près de trois semaines avant le sommet de Singapour.