La réconciliation entre les défenseurs de la République espagnole et les franquistes n’est pas possible

Le gouvernement espagnol veut le transfert «immédiat» de la dépouille du dictateur Francisco Franco de son mausolée près de Madrid, pour en faire un lieu de «réconciliation». Mais de quelle réconciliation s’agit-il ? Notre experte Monique Gimenez en parle.

Parler de réconciliation en Espagne, pour moi ce n’est pas concevable. Comment peut-on demander aux quelques survivants ou familles de ceux qui ont combattu les franquistes qui débarquaient du Maroc avec Franco à leur tête, pour combattre la république espagnole en 1936, pays qui avait amené El Frente Popular (le Front populaire) au pouvoir à l’issue d’élections démocratiques, d’oublier ce qui s’est passé et, en quelque sorte, de pardonner, c’est inacceptable.

Mes origines espagnoles me poussent à ne pas accepter une quelconque réconciliation. Il y a eu trop de sang versé sur cette terre d’Espagne, terre dans laquelle reposent mêlés les républicains espagnols et leurs frères d’armes venus de différents horizons et qui ont formé les Brigades Internationales. Le mot d’ordre était « No pasaran ! » (ils ne passeront pas ).

La défaite de la République espagnole fut un drame causé par la politique de non intervention prônée par le gouvernement socialiste de l’époque, Léon Blum, et par l’Angleterre, par idéologie, alors que de leurs côtés, l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste ne se sont pas gènés pour apporter un coup de main à Franco, notamment avec la légion Condor rendue célèbre par le bombardement de la ville de Guernica, dont le martyr de la population a fait l’objet d’une fresque magnifique réalisée par Picasso, et qui témoigne de l’atrocité de cette guerre. Il ne faut pas oublier que cette même légion s’est rendue célèbre par le bombardement de Stalingrad.

La victoire de Franco eut comme conséquence un exode terrible des espagnols fuyant le franquisme et qui traversaient la frontières des Pyrénées, où les attendaient la police française qui les parquaient comme des bêtes sur les plages, sans abris, où ils devaient gratter à mains nues pour se faire un trou pour s’abriter, ou dans des forteresses.

Voilà comment la République Française, pays des droits de l’homme, a reçu les réfugiés espagnols, parmi lesquels il y avait des antifascistes allemands et italiens qui ne pouvaient plus revenir dans leurs pays, et qui avaient été livrés aux nazis lorsqu’ils avaient envahi la France, pour finir en camps de concentration, en particulier à Mauthausen pour les espagnols.

C’est la honte pour la France, et ça je ne peux pas l’oublier. Pendant toute la période du franquisme, il y eut beaucoup d’exécutions d’opposants politiques et syndicaux qui étaient soit fusillés ou garrottés. Le garrottage était un système de strangulation très utilisé en Espagne pendant des siècles qui brisait les cervicales et les condamnés qui subissaient ce châtiment mourraient dans d’atroces souffrances, car ils étaient attachés à un poteau avec une espèce de collier en fer très large relié au poteau et derrière lequel il y avait un système qui permettait de serrer ce collier qui, petit à petit, étranglait le ou les condamné(s). Les derniers exécutés, un anarchiste espagnol et un allemand, l’ont été en 1974. Donc, en mémoire de celles et ceux qui ont donné leurs vies pour lutter contre le fascisme en Espagne, qu’ils étaient espagnols ou membres des Brigades Internationales comme le grand-père de mes filles, je ne peux pas admettre qu’on oublie ou qu’on tente de faire oublier ce qui s’est passé au nom d’une quelconque réconciliation. Ça, jamais !

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