Le journaliste turc Mehmet Altan, condamné à la réclusion à vie en lien avec le putsch manqué de 2016, a été libéré mercredi après près de deux ans de détention, a annoncé l’ONG P24 oeuvrant pour la liberté de la presse.
Mehmet Altan, 65 ans, présentateur d’une émission télévisée politique, a quitté la prison de Silivri, près d’Istanbul, après une décision d’un tribunal d’Istanbul ordonnant sa remise en liberté conditionnelle plus tôt mercredi.
La sentence et sa condamnation à la réclusion à perpétuité n’ont pas été annulées et il reste interdit de quitter le territoire et devra pointer régulièrement auprès des autorités.
« Je suis libéré après 21 mois, alors que je n’aurais jamais dû être emprisonné », a déclaré le journaliste devant la prison, selon P24. « Que ma libération apporte de l’espoir sur la voie du droit et de la démocratie », a-t-il dit, salué par des amis et des collègues.
Cette libération est intervenue trois jours après la réélection du président Erdogan, qui pourra diriger la Turquie avec des pouvoirs étendus.
Arrêté en septembre 2016, Mehmet Altan a été condamné en février à la prison à vie avec son frère Mehmet, écrivain, et une autre journaliste de renom, Nazli Ilicak, au terme d’un procès très critiqué en Turquie et à l’étranger.
En janvier, la Cour constitutionnelle avait estimé que le journaliste devrait être libéré car selon elle ses droits avaient été violés, mais un tribunal turc avait refusé de le faire. La Cour européenne des droits de l’homme avait estimé en mars que les droits de M. Altan avaient été violés.
Mercredi, un tribunal régional d’Istanbul a ordonné en appel sa remise en liberté conditionnelle, en basant sa décision sur le caractère « contraignant » de l’arrêt de la Cour constitutionnelle.
« La libération de Mehmet Altan s’est longuement fait attendre », a déclaré dans un communiqué le directeur Europe d’Amnesty International Gauri van Gulik.
« Son emprisonnement était une parodie de justice emblématique des profondes failles au sein du système judiciaire turc », a-t-il estimé.
Le tribunal d’Istanbul a décidé de maintenir en détention Ahmet Altan et Nazli Ilicak et ajourné la suite du procès en appel au 21 septembre.
Les journalistes avaient été condamnés sous l’accusation, jugée grotesque par leurs sympathisants, d’avoir envoyé des « messages subliminaux » appelant au renversement du gouvernement Erdogan lors d’une émission retransmise en direct à la télévision à la veille de la tentative de coup d’Etat.
Pour les organisations de défense des droits de l’homme, cette affaire illustre à la fois l’érosion de la liberté de la presse et la remise en cause de l’indépendance du pouvoir judiciaire en Turquie.
Depuis la tentative de putsch du 15 juillet 2016, les autorités turques ont lancé des purges sans précédent qui ont touché des dizaines de milliers de personnes, dont des opposants politiques du président Recep Tayyip Erdogan et des médias.
Par ailleurs, un tribunal d’istanbul a ordonné la libération du militant des droits de l’homme Celalettin Can détenu depuis février.
La justice « doit à présent tourner son attention vers les milliers d’autres personnes qui demeurent détenues d’une manière injuste en Turquie », a poursuivi M. van Gulik. Ainsi, le responsable d’Amnesty en Turquie Taner Kilic est en prison depuis plus d’un an, a-t-il déploré.
Selon P24, avant la libération de Mehmet Altan, 182 journalistes étaient détenus en Turquie, la plupart d’entre eux dans le cadre de l’état d’urgence.
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