Parmi leurs cibles, ils évoquaient des islamistes sortant de prison ou des mosquées radicales et certains d’entre eux avaient déjà testé des explosifs : dix proches d’un groupe d’ultradroite étaient présentés mercredi à un juge antiterroriste après quatre jours de garde à vue.
Ces neuf hommes et cette femme, âgés de 32 à 69 ans, avaient été interpellés en France dans la nuit de samedi à dimanche, soupçonnés d’appartenir à un groupuscule dont les autorités craignaient « un passage à l’acte violent, aux contours demeurant toutefois imprécis à ce stade », selon le parquet de Paris.
Le ministère public entend réclamer la détention provisoire pour neuf d’entre eux.
A leurs domiciles, les policiers ont retrouvé 36 armes à feu, dont 31 sans autorisation, et aussi, chez l’un d’eux, des éléments « entrant dans la fabrication d’explosif de type TATP » ainsi qu' »un feuillet guide de fabrication intitulé +le napalm maison+ ».
Nommé « Action des forces opérationnelles » (AFO), ce réseau d’extrême droite proclamait fièrement son ambition de lutter contre le « péril islamiste », notamment sur le site « Guerre de France ».
Depuis deux mois, le groupe était cependant entré dans le viseur de la justice car il « essayait de recruter de nouveaux membres et d’étendre son maillage territorial », a expliqué le parquet de Paris dans un communiqué.
Le procureur avait donc décidé, le 13 avril, d’ouvrir une enquête pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».
Les policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont rapidement identifié un programme de formation au combat et des stages de survivalisme ainsi que des réunions pour « définir des objectifs et des actions à mettre en oeuvre pour les atteindre », selon le ministère public.
Ils avaient surtout établi que des membres « cherchaient à se procurer des armes » et certains « avaient testé des explosifs et des grenades de confection artisanale ».
Une « réunion conspirative » s’était tenue en avril en Bourgogne, avec entraînement au maniement des armes, et des « débuts de repérages » ont été détectés, a ajouté une source proche du dossier.
Selon cette source, les suspects ont évoqué l’idée de s’en prendre à des musulmans condamnés dans des dossiers antiterroristes et sortant bientôt de prison, à des mosquées radicales, voire à des femmes voilées ou des supermarchés hallal.
Sur la base de ces éléments, le parquet avait ouvert une information judiciaire le 14 juin. Dix jours plus tard, le juge d’instruction ordonnait ce coup de filet, conduisant à deux interpellations en Corse, deux en Charente-Maritime, une dans la Vienne et les autres en région parisienne.
« Réveil patriote »
Considéré comme le chef de file présumé de ce réseau, un retraité de la police nationale, Guy S., né en 1953 et vivant à Tonnay-Charente, « avait la volonté de durcir l’action d’AFO », a indiqué une source proche de l’enquête.
Marine Le Pen a assuré mercredi que ce dernier, qui fut assesseur pour le Front National (FN, devenu RN) dans sa commune selon la mairie, n’était « ni adhérent, ni sympathisant » du RN et qu' »être assesseur n’est pas être le représentant d’un parti ».
Un ancien militaire et un ex-professeur, un artisan et un employé de restaurant font également partie des suspects, a précisé la source proche de l’enquête. Seuls deux ont des antécédents judiciaires, condamnés pour des délits de droit commun.
« Notre mouvement ne prône en aucun cas les attaques ou provocations violentes », a déclaré mercredi à l’AFP un responsable du site « Guerre de France », sous couvert de l’anonymat.
Il présente AFO comme la « structure opérationnelle » de Réveil Patriote, un groupe créé en 2017 par Guy S. et par d’autres dissidents d’un autre mouvement, les Volontaires pour la France (VPF), fondé lui deux ans plus tôt pour défendre « l?identité de la nation française » « contre l?islamisation du pays ».
Après l’annonce de ces arrestations, des responsables religieux et associatifs musulmans ont exprimé lundi leur « profonde préoccupation ».
Si le nombre d’actes antimusulmans enregistrés a diminué en 2017 par rapport à 2016, la sous-catégorie des actions violentes est passée de 67 à 72 faits.
Si les dossiers judiciaires impliquant l’ultradroite restent rares au sein du pôle antiterroriste de Paris, accaparé depuis 2015 par la menace jihadiste, l’ancien patron de la DGSI, Patrick Calvar, avait redouté en 2016 une possible « confrontation entre l’ultradroite et le monde musulman ».