Des industriels américains se mobilisent contre les taxes sur l’acier

Les industriels américains du secteur sidérurgique, qui commencent à faire les frais de la politique protectionniste de Donald Trump, sont passés à l’offensive cette semaine, à l’instar de Joel Johnson, PDG de Borusan Mannesmann Pipe (BMP), un fabricant de tubes en acier implanté au Texas.

Quelque 4.500 cartes postales rédigées par les employés de BMP et leurs familles ont inondé les boîtes aux lettres de Donald Trump et des membres du Congrès pour plaider la cause de cette entreprise implantée à Baytown, qui importe une partie de ses tubes depuis sa maison mère en Turquie.

Or le président des Etats-Unis a imposé des taxes de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium, en vigueur depuis fin mars pour les importations chinoises et turques notamment et depuis le 1er juin pour celles de l’Union européenne, du Canada et du Mexique.

Si Donald Trump a justifié ces taxes par une volonté de protéger la sécurité nationale et de dynamiser ces secteurs, quelque 21.000 entreprises ont requis une exemption au motif que ces tarifs douaniers pénalisent au contraire leur activité dépendante des importations d’acier et d’aluminium.

Mais trois mois après les premières requêtes, seules 98 ont été examinées, avait révélé la semaine dernière le secrétaire au commerce Wilbur Ross devant le Sénat. Et seulement 42 ont été approuvées.

Joel Johnson fait partie des tout premiers dirigeants à avoir constitué officiellement un dossier en vue d’une exemption.

Sans réponse et face à l’urgence de la situation, il a décidé de prendre son bâton de pèlerin pour faire entendre sa voix parmi les milliers d’autres.

« Nous avons fait une offre très simple au président Donald Trump et au secrétaire au commerce Wilbur Ross. Nous avons demandé une exemption des taxes pour deux ans pour nous permettre de construire une nouvelle usine à Baytown » au Texas, explique-t-il à l’AFP.

« Et à l’issue de ces deux ans, nous arrêterons nos importations en provenance de Turquie et nous aurons des tubes en acier 100% américains », ajoute-t-il.

Joel Johnson estime que c’est une proposition de nature à convaincre Donald Trump qui prône « L’Amérique d’abord ».

Inconstitutionnelle

D’autant que la nouvelle usine porterait les effectifs de Borusan à 437 personnes contre 267 aujourd’hui, souligne-t-il. Un argument que Brian Babin, représentant républicain du Texas à la Chambre des représentants, a mis en exergue dans une lettre adressée à Wilbur Ross, datée du 21 juin dernier et dont l’AFP a obtenu une copie.

Si BMP n’obtenait pas d’exemption, des emplois seraient menacés dans une ville où le chômage atteint 10%, soit plus du double que le taux national (3,8%), avertit également le patron. Car l’impact financier serait de l’ordre de 25 à 35 millions de dollars par an, un coût que l’entreprise ne pourrait supporter sans licencier.

D’autres ont décidé d’employer la manière forte. L’American Institute for the international steel (AIIS), une fédération représentant les entreprises dépendantes de l’acier importé, vient ainsi de déposer plainte devant le tribunal de commerce international à New York.

Elle juge que la section 232 de la loi de 1962, à laquelle Donald Trump a eu recours pour imposer ces taxes en invoquant un impératif de défense de la sécurité nationale, est inconstitutionnelle.

Cette section a permis au locataire de la Maison Blanche d’outrepasser les pouvoirs du Congrès, habituellement compétent en matière de commerce.

« La section 232 permet au président de considérer qu’à peu près tout ce qui peut affecter l’économie américaine relève de la +sécurité nationale+ », a déploré Richard Chriss, le président de cette fédération.

« Les taxes douanières sur l’acier ont un grand nombre d’effets négatifs sur les entreprises américaines. Les ports et les travailleurs américains constatent un déclin marqué dans les cadences de production », souligne la fédération.

Les industriels se heurtent en outre désormais à une hausse importante des prix de l’acier.

En octobre 2017, la tonne de ce métal s’élevait à 577 dollars, son plus bas niveau en un an. En janvier, elle valait environ 630 dollars et elle atteint aujourd’hui 917 dollars, a confirmé Joel Johnson.

Ce litige intervient alors que des mesures frappant 34 milliards de dollars de biens chinois entreront en vigueur dans tout juste une semaine.

L’administration Trump étudie aussi d’autres sanctions sur l’automobile sur la base de cette même section 232.

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