Parmi leurs cibles, ils évoquaient des islamistes sortant de prison ou des mosquées radicales: dix proches d’un groupe d’ultradroite ont été mis en examen mercredi soir à Paris par un juge antiterroriste après quatre jours de garde à vue.
Agés de 32 à 69 ans, les suspects – neuf hommes et une femme – avaient été interpellés dans toute la France dans la nuit de samedi à dimanche, soupçonnés d’appartenir à un groupuscule dont les autorités craignaient « un passage à l’acte violent » aux contours encore « imprécis », selon le parquet de Paris. Tous ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle », certains étant également mis en cause pour des infractions sur les armes et pour la fabrication et la détention d’engin explosif en relation avec une entreprise terroriste, a appris l’AFP jeudi de source judiciaire. Quatre d’entre eux ont été placés en détention provisoire et deux autres ont été incarcérés dans l’attente d’un débat devant le juge des libertés et de la détention. Le ministère public avait requis 9 mandats de dépôts.
Empoisonner la nourriture halal
Une source proche du dossier a affirmé que les suspects avaient évoqué l’idée de s’en prendre à des musulmans condamnés dans des dossiers antiterroristes et sortant bientôt de prison, à des mosquées radicales, voire à des femmes voilées ou des supermarchés halal. Selon TF1, ce groupuscule avait comme objectif glaçant d’empoisonner la nourriture halal des supermarchés pour toucher le plus de musulmans possibles. Ils avaient été assez loin dans leurs plans puisqu’ils se demandaient comment atteindre la nourriture, comment l’empoisonner puis comment la remettre comme si de rien n’était dans les rayons. Certains suspects placés en garde à vue ont confirmé l’existence d’un tel projet tout en précisant que « les contours n’étaient pas définis ».
Trente-six armes à feu et des milliers de munitions ont été retrouvées lors de perquisitions chez des suspects, y compris des éléments « entrant dans la fabrication d’explosif de type TATP », avait précisé le parquet mercredi dans un communiqué.
Leur but : lutter contre « le péril islamiste »
Nommé « Action des forces opérationnelles » (AFO), le mouvement de l’ultradroite mis en cause proclame son ambition de lutter contre le « péril islamiste », notamment sur le site « Guerre de France ». Il était depuis deux mois dans le viseur de la justice car il « essayait de recruter de nouveaux membres et d’étendre son maillage territorial », avait expliqué mercredi le parquet. Le procureur avait donc décidé, le 13 avril, d’ouvrir une enquête pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».
Les policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont rapidement identifié un programme de formation au combat et des stages de survivalisme ainsi que des réunions pour « définir des objectifs et des actions à mettre en oeuvre pour les atteindre », selon le ministère public. Ils avaient surtout établi que des membres « cherchaient à se procurer des armes » et que certains « avaient testé des explosifs et des grenades de confection artisanale ». Une « réunion conspirative » s’était tenue en avril en Bourgogne, avec entraînement au maniement des armes, et des « débuts de repérages » ont été détectés, a ajouté une source proche du dossier.
Sur la base de ces éléments, le parquet avait ouvert une information judiciaire le 14 juin. Dix jours plus tard, le juge d’instruction ordonnait ce coup de filet, conduisant à deux interpellations en Corse, deux en Charente-Maritime, une dans la Vienne et les autres en région parisienne.
« Durcir l’action »
Considéré comme le chef de file de ce réseau, un retraité de la police nationale, Guy S., né en 1953 et vivant à Tonnay-Charente (Charente-Maritime), « avait la volonté de durcir l’action d’AFO », a indiqué une source proche de l’enquête. Marine Le Pen a assuré mercredi que ce dernier, qui fut assesseur pour le Front National (FN, devenu RN) dans sa commune selon la mairie, n’était « ni adhérent, ni sympathisant » de son parti.
Un ancien militaire et un ex-professeur, un artisan et un employé de restaurant figuraient également parmi les interpellés, a précisé la source proche de l’enquête. Seuls deux d’entre eux ont des antécédents judiciaires pour des délits de droit commun.
« Notre mouvement ne prône en aucun cas les attaques ou provocations violentes », a déclaré mercredi à l’AFP un responsable du site internet « Guerre de France », sous couvert de l’anonymat. Après les arrestations, des responsables religieux et associatifs musulmans ont exprimé lundi leur « profonde préoccupation ». Si le nombre d’actes antimusulmans enregistrés a diminué en 2017 par rapport à 2016, les actions violentes sont en hausse. Les dossiers judiciaires impliquant l’ultradroite restent rares au sein du pôle antiterroriste de Paris, accaparé depuis 2015 par la menace jihadiste. Mais l’ancien patron de la DGSI, Patrick Calvar, avait mis en garde contre une possible « confrontation entre l’ultradroite et le monde musulman ».