Horst Seehofer, l’épine « patriote » dans le pied de Merkel

Sera-t-il l’homme qui fait chuter Merkel ? Le ministre allemand de l’Intérieur Horst Seehofer a pris la tête d’une croisade contre la chancelière sur l’immigration et pour la défense des intérêts nationaux sur le mode « l’Allemagne d’abord ».

En le nommant à un tel poste lors de la difficile formation du gouvernement de coalition en mars, la chancelière centriste espérait ainsi pouvoir le garder sous son contrôle, lui et le très conservateur parti bavarois qu’il préside, la CSU.

Mais cette stratégie se retourne à présent contre elle. Les tensions permanentes entre la CSU et le parti de centre-droit d’Angela Merkel (CDU), suite à l’ouverture des frontières du pays à des centaines de milliers de demandeurs d’asile en 2015, ont atteint désormais le point d’ébullition.

« Je ne peux plus travailler avec cette femme », aurait confié M. Seehofer à des proches, à en croire le quotidien Die Welt.

Le ministre et son parti menacent à partir de dimanche d’imposer contre l’avis de la chancelière un refoulement des migrants arrivant en Allemagne s’ils ont été déjà enregistrés dans un autre pays de l’UE.

Etat libre de Bavière

Angela Merkel espère que les timides avancées qu’elles a obtenues lors du sommet des dirigeants européens sur la question suffiront à amadouer celui que ses opposants surnomment « Crazy Horst ». Mais rien n’est moins sûr et la CSU compte prendre sa décision dimanche.

Quelles sont les motivations du ministre ? Une partie des réponses sont à trouver dans les origines de cet homme de 68 ans, aux racines profondément ancrées dans « l’Etat libre de Bavière », le nom officiel de ce Land qui s’est toujours rêvé un destin à part dans l’histoire allemande.

Aimant régulièrement porter la culotte de cuir traditionnelle bavaroise, ce catholique convaincu est né et a grandi à Ingolstadt, fief de Audi, située entre Munich et Nuremberg.

Issu d’un milieu modeste, M. Seehofer, qui se targue de ne pas avoir obtenu son baccalauréat, a néanmoins toujours partagé sa carrière entre sa région fétiche et Berlin: député pendant 28 ans puis ministre-président de Bavière de 2008 à mars 2018, il avait fait son entrée au gouvernement sous Helmut Kohl en tant que ministre de la Santé (1992 – 1998) puis comme ministre de l’Agriculture (2005 – 2008) sous Mme Merkel.

Pourtant, sa carrière aurait pu tourner court en 2002. En soins intensifs pendant plusieurs semaines en raison d’une myocardie, il s’en sort avec seulement un coeur affaibli. Les médecins lui suggèrent alors d’arrêter la politique.

Anti-Merkel

La contestation du cap d’Angela Merkel sur les migrants – alors que la CSU et la CDU sont en principe des partis alliés – lui a redonné depuis trois ans une seconde jeunesse. A travers ce bras de fer, ce géant d’1,93m, vieux briscard de la politique, entend d’abord sauver l’emprise de sa famille politique sur le plan local.

La CSU qu’il préside depuis 2008 dirige certes de façon ininterrompue la Bavière depuis 1957. Mais celle-ci a vu son règne s’éroder depuis quelques années et particulièrement lors des dernières législatives de septembre en enregistrant avec 38% des voix son plus mauvais résultat depuis des décennies.

Pire: la CSU risque de perdre sa majorité absolue lors d’un scrutin régional du 14 octobre, menacée par l’extrême droite.

Il a d’abord obtenu de haute lutte d’Angela Merkel d’occuper en mars le ministère de l’Intérieur puis de lui accoler le nom de ministère « de la Patrie ». A peine nommé, il a déclenché sa première polémique en assurant que « l’Islam n’appartient pas à l’Allemagne », un pays où vivent 4 millions de musulmans. La chancelière l’a alors publiquement recadré.

Mais au-delà des considérations tactiques, Horst Seehofer, qui aime à se montrer en public aux côtés du chef du gouvernement hongrois Viktor Orban et dit parfaitement s’entendre avec son homologue italien Matteo Salvini, parait décidé avec son parti à mener une forme de révolution nationale en Allemagne aux accents trumpiens et en rupture avec l’héritage pro-européen d’après-guerre.

Le quotidien Tagesspiegel la résume ainsi: « L’Allemagne d’abord, l’Europe en deuxième ».