Au Mexique, « tous les candidats sont hostiles à Trump »

L’élection présidentielle de dimanche risque de marquer une nouvelle phase dans les relations entre Mexique et États-Unis. La politique qu’appliquerait le favori Lopez Obrador envers son impétueux voisin, Donald Trump, demeure incertaine.

« We don’t know what to expect »  (« On ne sait pas à quoi s’attendre« ). Ces mots, prononcés par l’ancienne ambassadrice des États-Unis au Mexique, Roberta Jacobson, résume parfaitement le climat d’incertitude qui règne entre les deux pays. Une relation ambivalente entre le Mexique et son puissant voisin du Nord, faite de liens profonds, d’échanges et de dépendances. Et qui pourrait encore évoluer en cas d’élection d’Andrés Manuel López Obrador, le candidat de la gauche qui caracole en tête des sondages pour la présidentielle du 1er juillet.

D’entrée, l’élection de Donald Trump en novembre 2016 a changé la donne. Le tumultueux président américain avait adopté une rhétorique très dure envers le Mexique et promis d’ériger un mur à la frontière pour stopper l’immigration illégale et le trafic de drogues, déclenchant une grave crise diplomatique. Il a également annoncé la renégociation de l’Alena, la zone de libre-échange qui lie les deux États ainsi que le Canada.

France 24 fait le point avec Isabelle Vagnoux, professeure à l’université Aix-Marseille et auteure de « Les États-Unis et le Mexique : Histoire d’une relation tumultueuse », sur les possibles conséquences de la présidentielle sur les rapports entre les deux pays.

France 24 : Est-ce que l’élection de Donald Trump a changé les relations diplomatiques entre les États-Unis et le Mexique ?

Dès le début de sa campagne présidentielle, Donald Trump a tenu des propos durs et racistes envers le Mexique. C’était inédit pour un candidat à la présidence américaine et on pensait alors que ce n’était là que des mots, destinés à rallier les personnes qui ne veulent plus voir d’immigrés mexicains aux États-Unis. Mais, plus d’un an après son entrée en fonction, on ne peut pas dire que sa relation au Mexique se soit améliorée.

Face à lui, le président actuel, Enrique Peña Nieto, s’est montré conciliant. Il a proposé de le recevoir durant sa campagne électorale. Pourtant, Donald Trump a tenu dès le lendemain un discours incendiaire en Arizona contre les migrants mexicains. Le président mexicain a tout fait pour se mettre dans ses petits papiers, mais ça n’a pas marché. Enrique Peña Nieto a également misé sur la relation personnelle de son ministre des affaires étrangères, Luis Videgaray, avec le gendre de Trump, Jared Kuhsner. Mais, le président des États-Unis n’a jamais adouci son discours.

Est-ce que le thème de la relation avec les États-Unis s’est imposé durant la campagne ?

Tous les candidats sont forcément hostiles à Trump. Il n’a pas été un sujet de la campagne car il est acquis qu’il y a un rejet du président américain dans tout le pays. Et à ce niveau, il n’y a pas de réelles différences entre les candidats. José Antonio Meade, le candidat du PRI (centre), est le seul qui constitue un cas particulier puisque c’est le candidat imposé par Enrique Peña Nieto. Il paie donc le bilan de l’échec de l’actuel président dans la relation bilatérale et ne peut pas s’éloigner de cette position sans paraître renier Nieto.

Quelle est la posture de l’actuel favori, Andrés Manuel López Obrador (Amlo) ?

Ces dernières années, un sentiment de répulsion envers les États-Unis a commencé à naître au Mexique. Ils font moins rêver. Le nombre de Mexicains émigrant baisse d’année en année. Amlo exploite ce début de répulsion. Une des façons d’éviter que les Mexicains partent aux États-Unis et se fassent traiter comme ils se font traiter actuellement, c’est de ne plus y émigrer. La solution qu’il propose est donc d’améliorer la situation intérieure en se recentrant avant tout sur le Mexique.

Ce qui est assez intéressant, c’est que finalement, Amlo est un peu le pendant de Donald Trump, notamment sur le plan économique. Les deux pourraient s’entendre… ou pas.

Relancer l’Alena sera-t-il la priorité du prochain président mexicain ?

Tout va dépendre de qui est élu. Si c’est Amlo, on ne sait pas à quoi s’attendre comme le disait récemment l’ancienne ambassadrice américaine au Mexique, Roberta Jacobson. Il peut être dans la négociation comme il peut être extrêmement dur. Amlo a toujours dit que cela ne lui faisait pas peur de se retirer de l’Alena. On ne sait pas s’il ira jusque-là.

Il faut cependant rappeler que chacun des trois pays a en partie souffert à un degré ou à un autre. Au Mexique, si la classe moyenne a globalement profiter de l’ouverture, on ne peut pas en dire autant de la petite paysannerie. Celle-ci a souffert de la concurrence des produits américains qui arrivent libres de droits de douanes en provenance des États-Unis ou du Canada.

Toute la partie populaire de la société estime qu’elle a plus perdu que gagné à cause de l’Alena. Les électeurs d’Amlo sont là.

Le Mexique a-t-il un rôle à jouer pour réguler l’afflux de migrants centraméricains se rendant aux États-Unis ?

Le Mexique a peu de moyens de rétorsion face aux États-Unis et à Trump. La coopération en matière de sécurité en est un. Ils pourraient très bien décider que les migrants centraméricains ne sont pas leur problème et redeployer leur moyens de sécurité à autre chose.

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