L’Égypte accusée de violer les droits humains, avec le soutien matériel de la France

Le rapport est accablant. La France se rend-elle complice de tortures et plus largement de viols des droits humains en Égypte ?

C’est en tout cas ce que tend à démontrer un document publié lundi 2 juillet, résultat d’un travail de quatre ONG (FIDH, LDH, Observatoire des armements et l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’Homme).

Intitulé Égypte : une répression made in France, le rapport dénonce des ventes de matériels militaires par la France, armes et surveillance, au gouvernement d’Abdel Fattah al-Sissi depuis 2013 et la chute du régime de Mohamed Morsi après un coup d’État. Un matériel qui est utilisé pour des « arrestations arbitraires de masse », « l’incarcération d’au moins 60.000 prisonniers politiques », des « exécutions extra-judiciaires », des « disparitions forcées » et des « recours systématiques à la torture », énumère le rapport qui accuse donc la France de « fermer les yeux sur la répression sanglante et les violations constantes des droits humains menée pas les autorités égyptiennes depuis 2013. »

Des chiffres viennent appuyer les accusations. En 2016, 830 personnes ont porté plainte pour torture par les services de sécurité et de renseignements égyptiens. Et la répression viserait en particulier les « membres de partis politiques » comme les frères Musulmans et leurs militants, mais aussi des « défenseurs de droits humains, juristes, journalistes, écrivains, chercheurs, ou encore personnes LGBTI ou assimilées comme telles ».

Selon le rapport, des lois se voulant lutter contre le terrorisme « remettent en cause des libertés d’association, d’expression et de manifestation ». Ainsi, de nombreux opposants accusés de « terrorisme » ont été arrêtés. 12.000 en 2015, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur égyptien lui-même. Et le rapport de souligner que les discriminations des gouvernements « sans respect des droits fondamentaux » ne luttent pas efficacement contre le terrorisme, mais alimentent au contraire les rangs jihadistes qui jouent sur les inégalités de traitement dans la population.

La France, championne des ventes d’armes en Égypte, malgré les interdits européens.
Et tout ceci serait rendu possible grâce à la France et son système perfectionné d’armement et de surveillance, d’après les ONG. Les organisations la classent au premier rang des exportateurs européens d’armes lourdes vers l’Égypte et rapportent que le montant des exportations d’armes légères et des petits calibres a explosé de 185% entre 2015 et 2016, toujours vers le Caire.

Des logiciels de surveillance, notamment Cortex ou Amesys révélait déjà Télérama en mars dernier, permettraient aussi au régime de repérer les opposants, ou autres, et de les traquer plus facilement. Un autre logiciel de cybersurveillance décrit comme « hautement intrusif » par le rapport, aurait été vendu aux services militaires égyptiens, en passant par les Émirats arabes unis. Un montage complexe qui a permis à l’entreprise concernée, Nexa Technologies, de finalement vendre le matériel aux renseignements égyptien.

Or, cet armement serait illégal. Comme le rappelle le rapport, les ventes françaises d’armes son soumises au règlement du Traité sur le Commerce des Armes (TCA), selon lequel « lorsqu’il existe un risque substantiel de conséquences négatives, aucune autorisation d’exportation ne doit être donnée ».

Et le rapport d’ajouter que « les États membres (de l’Union européenne, ndlr) ont décidé de suspendre les licences d’exportation vers l’Égypte de tous les équipements qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne, de réévaluer les licences d’exportation des équipements couverts par la position commune (…) et de réexaminer l’assistance qu’ils apportent à l’Égypte dans le domaine de la sécurité. » Télérama révélait également à la fin de l’année 2017 que le parquet ouvrait une enquête pour complicité d’actes de torture et disparitions forcées.

La FIDH (Fédération internationale des droits de l’Homme) appelle ainsi à signer une pétition pour demander une commission d’enquête parlementaire sur les ventes d’armes françaises et à interpeller les ministres concernés, dont Jean-Yves Le Drian qui va rencontrer le président al-Sissi jeudi 5 juillet prochain.