Large vainqueur de l’élection présidentielle mexicaine dimanche, le vétéran de gauche Andrés Manuel Lopez Obrador promet de changer son pays rongé par la corruption et agir contre la pauvreté pour faire reculer la violence.
« Je suis têtu, c’est connu », avait-il admis au début de sa campagne. « Avec cette même conviction, j’agirai en tant que président de la République, de manière entêtée, idiote, persévérante, avec un aveuglement presque fou: je vais en finir avec la corruption », a-t-il lancé quand son parti Morena l’avait désigné candidat.
Habitué aux phrases polémiques, « AMLO », 64 ans, a réussi son pari à sa troisième tentative: devenir enfin président de la deuxième économie d’Amérique latine.
« Je crois que c’est un homme dont la principale qualité est la ténacité », souligne à l’AFP l’écrivain et historien Paco Ignacio Taibo II, un proche du candidat.
Cultivant son image de simplicité et d’honnêteté, AMLO a su se démarquer de la classe politique traditionnelle qui a dirigé le pays depuis près d’un siècle et qu’il qualifie de « mafia du pouvoir ».
Originaire de l’Etat de Tabasco (sud-est), ce fan de base-ball a démarré sa carrière au sein du PRI (droite), le parti de Peña Nieto, avant de l’abandonner pour rejoindre le PRD (gauche) et finalement fonder son propre parti, le Mouvement de régénération nationale (Morena).
Malgré cette longue carrière politique, il aime se présenter comme un candidat « anti-système ». Il assure qu’il vendra l’avion présidentiel et transformera la résidence présidentielle de Los Pinos – « hantée » selon lui par les turpitudes de ses prédécesseurs – en un centre culturel.
Cet ancien maire de Mexico (2000-2005) promet aussi de diminuer de moitié le salaire des hauts fonctionnaires, ainsi que le sien, et de continuer à vivre dans son appartement de la capitale.
AMLO a axé sa campagne sur la lutte anti-corruption, un message qui séduit la population, excédée par les scandales ayant émaillé le mandat du président sortant, Enrique Peña Nieto.
Son projet est également centré sur la lutte contre la pauvreté et « le néolibéralisme qui a fait beaucoup de tort au Mexique », détaille M. Taibo.
Il veut notamment lancer de grands travaux, augmenter le salaire minimum, développer l’accès à internet pour tous, offrir des bourses aux étudiants ou encore accroître l’autosuffisance alimentaire du pays.
M. Lopez Obrador appelle son mouvement « la quatrième transformation du Mexique » et se compare aux héros de l’histoire nationale tel que Benito Juarez (1806-1876), figure-clé de la construction de la République mexicaine au XIXe siècle.
Beaucoup de Mexicains critiquent toutefois le flou entourant son projet et surtout son financement. Sa proposition d’amnistier certains petits délinquants travaillant pour les cartels a par ailleurs déclenché une vive polémique durant la campagne.
« Il n’a jamais été clair » commente Fernando Dworak, analyste politique. « Tout tourne autour de sa personne et de sa capacité personnelle à résoudre les problèmes » poursuit-il.
Qualifié par certains de « populiste » qui pourrait suivre les pas du Vénézuélien Hugo Chavez, les critiques contre AMLO ont jalonné la campagne jusque sous la forme de spots publicitaires questionnant sa santé.
« Maintenant je suis Andrés Manuelovich », ironise-t-il, détendu, dans une vidéo devenue virale tournant en dérision les rumeurs sur une possible ingérence russe en sa faveur.
Plusieurs chefs d’entreprise, dont le milliardaire Carlos Slim, ont également critiqué son projet de suspendre la construction – actuellement en cours – du nouvel aéroport international de Mexico.
En réponse, AMLO avait suggéré au magnat des télécommunications, s’il était intéressé par ce projet, de le construire « avec son argent ».
Pour ses détracteurs, Lopez Obrador est un « messie tropical » au caractère excessif, parfois autoritaire, même s’il a semblé plus modéré et détendu durant cette campagne.
En 2006, défait avec une différence de seulement 0,56% par le conservateur Felipe Calderon, il avait contesté les résultats et bloqué avec ses partisans la principale avenue de la capitale pendant des semaines, s’auto-proclamant « président légitime du Mexique ».
Plusieurs fois sa mort politique a été annoncée.
« Tomber et se relever, puis tomber et se relever, puis tomber et se relever », avait-il lancé à ses supporteurs accompagné de son épouse Béatriz, lors de son dernier meeting de campagne dans l’emblématique stade Aztezca de Mexico.