La reprise du dialogue lundi au Nicaragua semble compromise, au lendemain de violences ayant causé la mort d’au moins 14 personnes dans le sud-ouest du pays lors d’affrontements entre forces gouvernementales et opposants au président Daniel Ortega.
Vendredi, l’Eglise catholique, qui fait office de médiatrice, avait annoncé une reprise du dialogue lundi entre le gouvernement et l’opposition, alors que le pays est secoué depuis avril par une vague de contestation exigeant le départ du président.
Mais cette nouvelle tentative, qui suit plusieurs rencontres sans résultat, semble incertaine après la violente incursion des forces anti-émeutes et des paramilitaires dans les villes de Diriamba et Jinotepe pour démanteler des barrages érigés par des opposants.
« La Conférence épiscopale va sérieusement réévaluer la poursuite » de sa médiation, a déclaré dimanche dans son homélie l’évêque auxiliaire de Managua, Mgr Silvio Baez. « Nous ne pouvons pas continuer à nous asseoir avec les représentants d’un gouvernement qui ment, qui n’accepte pas sa responsabilité et continue à attaquer et massacrer la population ».
Lundi en milieu de journée à Diriamba, à 45 km de la capitale, un nouvel incident à opposé des dizaines de partisans du gouvernement au cardinal Leopoldo Brenes, archevêque de Managua et président de la Conférence épiscopale du Nicaragua (CEN), et au nonce apostolique (ambassadeur du pape) Stanislaw Waldemar Sommertag.
A son arrivée, le convoi des deux prélats venus à la rencontre de manifestants de l’opposition réfugiés dans la basilique de Saint-Sébastien depuis dimanche ont été accueillis aux cris d' »assassins ! », « menteurs ! » et « fils de pute ! », a constaté l’AFP.
Passage à tabac
Les prélats ont ensuite été entourés et bousculés avant de se frayer difficilement un chemin jusqu’à l’intérieur de l’édifice. Les paramilitaires cagoulés en ont profité pour faire irruption dans la basilique et expulser les opposants. Certains ont été emmenés de force.
Un photographe de l’AFP a été passé à tabac et s’est fait voler son matériel. « C’était horrible, on m’a pris mon portable et on a tout effacé », a raconté la journaliste Maria Isabel Sanchez.
La chaîne d’opposition 100 % Noticias a aussi fait part de l’agression de ses journalistes et du vol de leur matériel, selon son directeur Miguel Mora.
La vague de protestation, déclenchée le 18 avril par une réforme de la sécurité sociale, vite abandonnée, cible le chef de l’Etat et son épouse Rosario Murillo, accusés de confisquer le pouvoir et de brider les libertés. Elle a déjà fait quelque 250 morts et près de 2.000 blessés.
Comme l’opposition, l’Eglise catholique du Nicaragua a appelé le président Ortega, 72 ans, à organiser des élections générales anticipées en mars 2019 au lieu de fin 2021, date de la fin de son mandat.
Mais l’ex-guérillero sandiniste, au pouvoir depuis 2007 après l’avoir déjà été de 1979 à 1990, a exclu samedi d’avancer la date des élections, qualifiant ses opposants de « groupe de putschistes » lors d’un rassemblement de ses partisans à Managua.
Pour accentuer la pression sur le chef de l’Etat, l’opposition nicaraguayenne a annoncé une grève générale de 24 heures pour vendredi, précédée d’une manifestation jeudi.
Les violences meurtrières de dimanche à Diriamba et Jinotepe ont marqué les esprits.
« Ca a été une horreur. Il y a au moins 14 morts, mais cela pourrait être plus. Ce nombre inclut au moins un membre des forces anti-émeutes, un paramilitaire et deux policiers », a déclaré à l’AFP Vilma Nunez, présidente du Centre nicaraguayen des droits de l’Homme (Cenidh).
Des hommes en civil, avec des capuches noires et fortement armés, sont entrés avec la police à 6 heures du matin dans ces deux localités, où ils ont détruit des barricades, au milieu de tirs nourris, ont indiqué des témoins et des associations de défense des droits de l’homme.
« La situation est grave », a déclaré le secrétaire de l’Association nicaraguayenne pour les droits de l’Homme (ANPDH), Alvaro Leiva, dénonçant une « répression disproportionnée » de la part des forces pro-Ortega.
La Commission inter-américaine des droits de l’Homme (CIDH), qui enquête depuis début juillet sur les violences au Nicaragua dans le cadre d’un mandat de six mois, a exhorté les autorités à démanteler « les appareils répressifs pro-gouvernementaux » qui opèrent dans le pays.