Bien qu’ils entendent parler d’une seule voix, les membres de l’Alliance ne sont pas tous au diapason sur ces thèmes. Leurs intérêts divergent… et leurs problèmes aussi.
Sur le site web de l’organisation, il est écrit que les 29 pays membres et de nombreux pays partenaires discuteront pendant deux jours dans le but de « renforcer la dissuasion et la défense de l’OTAN, d’intensifier la lutte contre le terrorisme et de parvenir à un partage plus équitable des charges ».
Ambitieux programme, d’autant que le président américain Donald Trump ne ménage pas son dédain et ses critiques vis-à-vis de l’Alliance.
Pour comprendre comment l’organisation fait face aux enjeux de notre époque, il faut savoir que l’OTAN fonctionne selon un système à deux vitesses, explique Éric Ouellet, un spécialiste des questions de défense basé à Toronto.
Le professeur au Collège militaire royal du Canada et au Collège des Forces canadiennes décrit ainsi la structure de l’organisation : « Il y a une bureaucratie centrale […] et il y a les efforts individuels de certains pays qui tentent de se coordonner au sein de l’OTAN ».
L’esprit « OTAN »
À titre d’exemple de ce fonctionnement, prenons les cyberattaques. Elles représentent un défi important pour l’OTAN, pourtant, l’Alliance dispose elle-même de peu de compétences en la matière. En revanche, ses membres développent respectivement leurs compétences pour lutter contre le phénomène, et ils « les mettent à contribution dans un esprit »OTAN » », précise M. Ouellet.
Le cyberterrorisme est un domaine en émergence pour l’Alliance, selon Éric Ouellet, qui participait récemment à un exercice militaire durant lequel on a discuté de cette question. « On a inventorié comment chaque pays s’organisait, dit-il. Chacun le fait différemment parce que ce sont des capacités nouvelles et on n’est pas certains de la manière dont il faut les utiliser. »
Pour combattre la cyberguerre, mais également le terrorisme et la piraterie, l’OTAN collabore avec plus de 40 pays partenaires ainsi qu’avec l’ONU, l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l’Union africaine.
Le terrorisme : encore préoccupant, mais moins qu’avant
À l’époque de la guerre froide, « on ne parlait pas de terrorisme, rappelle Éric Ouellet. Il existait ce qu’on appelait »des cinquièmes colonnes » communistes et on avait des préoccupations de sabotage, etc. C’était dans l’esprit d’attaques conventionnelles soviétiques avec des irréguliers en arrière qui causent du trouble. »
Le terrorisme a pris tout son sens dans les années 1990 pour culminer avec les attentats du 11 Septembre 2001. À cette occasion, d’ailleurs, l’OTAN a pour la seule et unique fois de son histoire invoqué l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord pour déclarer que « ces attaques étaient [dirigées] contre les 19 pays membres de l’OTAN ». S’en sont suivies des mesures pour aider les États-Unis dans leur campagne antiterroriste.
Bien que toujours présent, le terrorisme n’occupe plus autant les esprits au sein de l’OTAN depuis « la défaite de l’État islamique », dit Éric Ouellet. À l’heure actuelle, combattre le terrorisme est plus l’affaire des différents services de sécurité nationale tels que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) au Canada ou le MI5 au Royaume-Uni.
Cela dit, l’OTAN poursuit sa mission « non combattante » en Afghanistan, où elle soutient l’entraînement des forces locales. En Irak, l’OTAN intensifie ses efforts pour entraîner et conseiller les forces locales, et ce, à la demande du gouvernement irakien.
Soutenir l’Union européenne dans la crise des migrants
De l’avis d’Éric Ouellet, l’Union européenne préfère ne pas recourir à l’OTAN pour juguler sa crise migratoire. « L’UE ne veut pas militariser le problème », explique-t-il.
Dans ce dossier, l’OTAN intervient lorsqu’on le lui demande. Par exemple, en 2016, la Turquie, l’Allemagne et la Grèce ont obtenu à leur demande le déploiement de navires de l’OTAN dans la mer Égée afin de « stopper ou de repousser les bateaux de migrants », comme l’avait dit à ce moment-là le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.
Une force dotée d’une réelle capacité d’intervention
Moscou demeure plus que jamais dans la mire de centaines de représentants et d’experts civils et militaires présents quotidiennement au siège de l’OTAN.
La Russie se réaffirme comme une grande puissance, il y a donc véritablement un besoin pour l’OTAN.
Ces préoccupations ne sont pas qu’européennes, la défense de l’Atlantique importe aussi. « Il y a recrudescence des patrouilles sous-marines russes dans l’Atlantique, et encore une fois, c’est un effort collectif des membres de l’OTAN de s’occuper de vérifier que ce ne soit pas une menace imminente », explique M. Ouellet.
À ceux qui doutent du bien-fondé de l’OTAN en cette époque post-guerre froide, le professeur au Collège des Forces canadiennes réplique que l’expertise de l’Alliance est plus que jamais nécessaire.
C’est que l’OTAN dispose d’un formidable système d’« interopérabilité » qui permet aux armées des pays membres de parler un seul langage et d’intervenir collectivement en peu de temps. « Ça a pris des décennies à mettre en place », raconte Éric Ouellet.
Auparavant, « chacun avait ses traditions et ses approches », dit-il encore. Désormais, avec ses structures de rangs militaires identiques, les forces des différents pays peuvent opérer de concert et arriver au bon moment, au bon endroit, sans confusion. « Il y a une capacité réelle, affirme Éric Ouellet, et si on perdait l’OTAN, il faudrait la réinventer. »