Décision inhabituelle de la Finlande pour la rencontre de Poutine avec Trump

Ce sera donc Helsinki. Le 16 juillet 2018, Donald Trump et Vladimir Poutine se rencontreront pour la première fois dans un sommet bilatéral, qui se tiendra dans la capitale de la Finlande.

Un choix qui ne doit rien au hasard et reflète l’ambiguïté de la position du président américain vis-à-vis de ses alliés de toujours et de la Russie, dont il espère bien faire un ami officiel.

Avant d’annoncer le lieu de la rencontre, le conseiller presse du Kremlin avait indiqué que le sommet se tiendrait dans « un pays tiers, très pratique à la fois pour la Russie et pour les Etats-Unis ». Et effectivement, la Finlande semble cocher toutes les cases: d’un point de vue géographique -puisque le pays, qui bénéficie d’un accès direct à l’Europe par la mer Baltique partage aussi 1300 kilomètres de frontière avec la Russie.

Mais aussi et surtout pratique d’un point de vue stratégique, puisque le choix de la Finlande, pays neutre, permet à Donald Trump de ne pas froisser ses alliés de l’Otan, juste après le sommet prévu les 11 et 12 juillet à Bruxelles, tout en envoyant un message d’apaisement à la Russie, avec qui les relations n’ont cessé de se détériorer ces dernières années.

La Finlande, une zone (presque) neutre…

La rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine interviendra quatre jours après la fin du sommet de l’Otan, un choix « étrange » pour Corentin Sellin, spécialiste de la politique américaine interrogé par Le HuffPost, qui rappelle que l’Organisation du Traité Nord-Atlantique a vu le jour justement pour faire bloc face à l’ennemi de l’époque qu’était la Russie.

Dans un climat de tensions que certains n’hésitent pas à comparer à la Guerre froide, il fallait donc trouver un pays le plus neutre possible, pour ménager à la fois la susceptibilité de Vladimir Poutine mais aussi celle des alliés de l’ouest – avec qui les relations se sont crispées depuis le G7 au Canada.

Et en matière de neutralité, la Finlande a de nombreux atouts (même si elle est membre de l’UE): non membre de l’Otan, le pays entretient cependant d’excellentes relations avec les pays membres de l’organisation. Parallèlement, elle partage une frontière de 1300 kilomètres avec la Russie avec qui elle discute volontiers et sans les tensions qui crispent habituellement les rencontres entre les autorités russes et occidentales.

… mais courtisée par l’Otan et les Etats-Unis….

Pourtant, si la Finlande ne fait officiellement pas partie de l’Otan, elle n’en est pas moins très impliquée dans plusieurs de ses programmes. Dès 1994, elle rejoint ainsi le Partenariat Pour la Paix (PPP), qui permet aux pays non membres de l’Otan de coopérer avec l’organisation sur les questions de stabilité et de sauvegarde de la paix. Au cours des années qui suivent, le pays participe à plusieurs opérations fictives ou réelles initiées par l’Organisation transatlantique, notamment au Kosovo et en Afghanistan.

Outre ses bonnes relations avec l’Otan, la Finlande entretient aussi des liens indépendants avec plusieurs pays de l’Ouest, et tout particulièrement les Etats-Unis. En avril 2017, alors que les accusations de piratage informatique russe sur le sol américain et en Europe Occidentale se multiplient, la Finlande signe ainsi un protocole d’accord avec les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Pologne, la Suède, la Lettonie et la Lituanie pour créer à Helsinki un centre de recherches contre les « menaces hybrides », à savoir les cyberattaques, la propagande et la désinformation.

Autre exemple encore plus explicite (et sans doute moins facile à avaler pour les autorités russes)? La signature, en mai 2018, d’une déclaration d’intention trilatérale avec la Suède et les Etats-Unis. Ce document, sans valeur contraignante, doit permettre de « renforcer les relations de défense dans sept domaines, dont le dialogue sur les politiques de défense et l’interopérabilité au niveau politique et militaire » précise le compte-rendu mis en ligne par le département de la Défense américaine, qui indique également qu’au cours de leurs discussions, les représentants des trois pays ont abordé la question de « l’influence néfaste russe dans l’environnement sécuritaire trans-Atlantique ».

… et surveillée par Moscou

Les Etats-Unis ne sont cependant pas les seuls à soigner leurs relations avec la Finlande. Face aux attentions des pays de l’Ouest, la Russie de Vladimir Poutine alterne entre menaces voilées et sourires engageants à l’égard des autorités finlandaises.

Après la crise en Crimée en 2014, alors que le gouvernement de Finlande faisait part de sa volonté de renforcer la collaboration avec l’Otan, plusieurs avions russes ont ainsi été accusés par le gouvernement finlandais d’avoir violé leur espace aérien. « Il est difficile de croire qu’il s’agirait de hasards », affirmait alors le ministre de la défense finlandais. Plus récemment, en septembre 2017, la Russie a mené d’importantes manœuvres militaires dans le cadre d’un exercice contre un ennemi virtuel baptisé « Coalition de l’Ouest ». Un déploiement de force qui s’est fait dans un contexte géopolitique tendu, et qui, s’il n’a pas eu de conséquence directe, a été très attentivement suivi par les pays membres de l’Otan et les pays Baltes.

Ces mises en garde sont cependant nuancées par les déclarations du Kremlin. En février 2017, lors d’une conférence de presse commune avec son homologue suédoise, le ministre des Affaires Etrangères russe Sergei Lavrov réaffirmait ainsi « la haute opinion de la Russie vis-à-vis de la politique de la Suède et de la Finlande, qui adhèrent au principe de non-alignement dans les affaires militaires. » Quelques mois plus tard, c’est Vladimir Poutine lui-même qui en rajoutait une couche, affirmant, à l’occasion d’une visite en Finlande que la Russie était prête à coopérer avec « les pays neutres de la mer Baltique comme la Finlande qui ne font pas partie de l’alliance militaire de l’Otan ».

Allié des uns sans être l’ennemi de l’autre, la Finlande s’impose donc comme un véritable « pays tampon » entre l’Est et l’Ouest. Un véritable atout pour Donald Trump, qui peut ainsi tenter de mettre en place une nouvelle relation diplomatique avec la Russie, sans pour autant s’attirer les foudres de ses alliés de l’Europe de l’Ouest, avec qui les relations se sont globalement dégradées depuis le sommet du G7, qui s’est terminé par un fiasco.