Le Premier ministre du Canada Justin Trudeau a procédé mercredi à un remaniement ministériel plus important qu’attendu, mettant ses troupes libérales en ordre de marche avant les élections législatives de 2019 dans un contexte de tensions commerciales et de montée du populisme.
A 15 mois des élections législatives, cette réorganisation gouvernementale doit redonner un second souffle aux libéraux de M. Trudeau qui sont talonnés de très près par l’opposition conservatrice dans les sondages.
Grande première au Canada, un ministère est dédié à la sécurité aux frontières car leur « intégrité » est « une priorité de premier ordre », a dit le dirigeant libéral en conférence de presse, assurant que cela allait permettre « une gestion appropriée des demandeurs d’asile ».
Le gouvernement fédéral compte désormais 34 ministres, contre 30 jusque-là, et plusieurs ministères ont été réorganisés avec comme leitmotiv: « tenir compte de l’évolution de l’économie mondiale », a résumé M. Trudeau.
Avec le repli protectionniste de Washington, premier partenaire commercial du Canada, « le contexte international est en train de changer », a observé Justin Trudeau. Vu « notre dépendance envers les Etats-unis en matière de commerce, ce serait une bonne idée de se diversifier un petit peu plus », a-t-il dit.
Ainsi, le ministère du Commerce international change de mains et de nom: il devient le ministère de la Diversification du commerce international et a désormais à sa tête Jim Carr, élu du Manitoba (centre) qui dirigeait jusque-là les Ressources Naturelles.
M. Carr pilotera notamment les négociations pour conclure un accord commercial avec les quatre pays sud-américains du Mercosur et défendra devant le Parlement la ratification de l’accord de libre-échange transpacifique (TPP) avec dix pays des deux rives du Pacifique.
L’épineux dossier de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna), voulu par le président américain Donald Trump, reste toutefois dans le giron de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.
Proche de M. Trudeau, jusque-là ministre des Pêches, Dominic LeBlanc devient ministre des Affaires intergouvernementales, du Nord et du Commerce intérieur. Cet Acadien aura la lourde tâche de gérer la relation entre le gouvernement fédéral et les autorités provinciales, alors que l’opposition conservatrice a le vent en poupe à travers le pays.
Des partis de droite pourraient ainsi être élus à la tête du Québec (est) en octobre et de l’Alberta (ouest) en mai prochain.
Déjà, les libéraux ont perdu en juin le pouvoir en Ontario: la province la plus peuplée et la plus riche du Canada a porté à sa tête le conservateur Doug Ford, responsable politique volontiers populiste, climato-sceptique, décidé à réduire la taille de l’Etat et à freiner de façon draconienne l’immigration. M. Ford témoigne du fait que le Canada n’est pas épargné par la vague internationale populiste-nationaliste.
Depuis l’élection de M. Trump et le resserrement des politiques américaines d’immigration, le Canada connaît un afflux de migrants, réguliers ou irréguliers, et l’immigration est devenue un sujet polarisant, bien que les chiffres des arrivées n’aient aucune commune mesure avec ceux des Etats-Unis ou de l’Europe.
C’est donc pour tenter de désamorcer ce sujet que M. Trudeau a créé le poste de ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé qu’il a confié à Bill Blair.
Ancien chef de la police de Toronto, M. Blair avait dirigé le dossier de la légalisation du cannabis et dirigera donc l’entrée en vigueur en octobre de cette mesure, en plus d’être « responsable de la migration irrégulière », dont « le flux a un impact » sur les Canadiens, a-t-il déclaré.
Ce remaniement, le troisième depuis l’élection de M. Trudeau en octobre 2015, est d’une plus grande ampleur qu’attendu. Entre le jeu des chaises musicales et les changements de prérogatives de certains ministères, 17 ministres sont concernés. La parité au conseil des ministres a été respectée.