Confronté à sa plus grosse crise depuis le début du quinquennat, l’Elysée a tenté de calmer le jeu vendredi en licenciant Alexandre Benalla, sans toutefois désarmer les critiques qui portent sur des thèmes chers à Emmanuel Macron comme l’autorité de l’Etat et l’exemplarité.
Plus de 24 heures après les révélations du Monde, la présidence a finalement annoncé vendredi avoir engagé « la procédure de licenciement » d’Alexandre Benalla, un chargé de la sécurité du président filmé en train de frapper un manifestant le 1er mai, sur la base de « faits nouveaux » apparus la veille au soir.
Cette décision semblait inéluctable devant la montée de l’indignation, qui ne s’est jamais aussi vivement exprimée dans la classe politique comme dans la presse depuis l’élection de mai 2017.
Ce licenciement et la garde à vue d’Alexandre Benalla suffiront-ils à éteindre l’incendie ? Certains en doutent. « Une crise mal gérée ajoute une crise à la crise: c’est la théorie du suraccident », souligne Franck Louvrier, l’ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy désormais proche d’Estrosi.
Les oppositions de droite et de gauche ont d’ailleurs accru la pression vendredi. « C’est le coeur de l’Etat qui est atteint », a lancé Christian Jacob (LR) tandis que Jean-Luc Melenchon (LFI) réclamait le dépôt d’une motion de censure et Benoît Hamon la démission du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb.
« C’est le jeu de l’opposition », souligne-t-on dans l’entourage de l’exécutif. « Mais remettons l’affaire à sa juste place: est-ce que la politique du gouvernement est en cause ? Non. Est-ce que cela affecte la vie des Français ? Non ».
Et de défendre « l’exemplarité » de l’Elysée, qui a sanctionné la première faute d’Alexandre Benalla — avoir frappé un manifestant le 1er mai — avant d’engager la procédure de licenciement à la seconde –avoir réclamé les images de la vidéo-surveillance.
Ne laissant rien paraître, Emmanuel Macron est apparu souriant vendredi en accueillant à l’Elysée tour à tour les syndicats agricoles puis le président de l’Azerbaïdjan.
« Situation subie »
Mais, pour Jean-Daniel Lévy, directeur du département Politique à Harris Interactive, cette crise est problématique pour l’Elysée car elle met justement en cause cette exemplarité portée en étendard, et l’exercice du pouvoir par Emmanuel Macron.
« C’est une situation très ennuyeuse pour lui car elle alimente la perception d’une gestion autocratique du pouvoir et d’un comportement arrogant », explique l’expert.
« Il faudra voir comment il va se reprendre face à une situation qu’il subit », alors qu’il excelle dans l’offensive comme sur les réformes du Code du travail ou de la SNCF.
Réputé pour ne pas aimer réagir sous la pression, Emmanuel Macron a choisi de rester silencieux. Il a ainsi refusé de répondre aux questions des journalistes durant sa visite en Dordogne jeudi, laissant monter en première ligne son porte-parole, Bruno Roger Petit, qui ne s’était jamais montré devant les caméras.
« L’Elysée a donné le sentiment d’être aux abois », remarque le politologue Bruno Cautrès, du Cevipof. Pour lui, « le principal dégât de cette affaire est que, pour la première fois, le public voit une forme d’amateurisme dans l’équipe Macron ».
Pour Franck Louvrier, la présidence a péché par naïveté en pensant pouvoir garder l’affaire secrète. Car « à l’heure des réseaux sociaux, (…) la question n’est pas de savoir si cela va se savoir mais quand est-ce que cela va se savoir ».
Avec cette affaire, l’opinion découvre, selon Bruno Cautrès, « un ensemble de personnages de l’ombre de l’Elysée », comme cela avait été le cas sous les présidences depuis le début de la Ve République.
« Ce qu’elle retiendra aussi est que, si Le Monde n’avait pas enquêté, personne n’en saurait rien », avertit le politologue.
Cette crise intervient dans un contexte de sondages en berne malgré le sacre des Bleus au Mondial. Emmanuel Macron atteint ainsi son plus bas niveau de popularité avec 39 % à avoir une bonne opinion de lui (-2 points) contre 59 %, selon le baromètre BVA pour Orange, RTL et La Tribune publié vendredi.