Migrants : la Cour de justice de l’UE saisie contre la Hongrie d’Orban

Les relations entre Viktor Orban et l’Union européenne ne s’arrangent pas. Sur le droit de la migration, la Commission saisit la Cour de justice européenne.

La tension n’est pas près de retomber entre Bruxelles et Budapest sur le traitement des migrations. La Commission de Bruxelles vient en effet de saisir la Cour de justice contre la Hongrie de Viktor Orban, franchissant une nouvelle étape dans la procédure de sanction entamée en 2015 pour non-respect de la législation européenne en matière d’asile et de retour. En outre, une seconde procédure est ouverte à l’encontre du régime de Viktor Orban en raison d’une modification de la législation hongroise qui érige, depuis le 20 juin 2018, en infraction pénale les activités des ONG quand elles soutiennent les demandeurs d’asile.

La loi « Stop Soros » en cause

En cause : la fameuse loi dite « Stop Soros », promise par Viktor Orban durant sa campagne législative, en référence aux ONG financées par le milliardaire américain d’origine hongroise George Soros. Parallèlement à son recours en justice, la Commission a donc adressé une lettre de mise en demeure au sujet de cette loi jugée non conforme au droit européen. La loi « Stop Soros » a été adoptée par 160 voix contre 18. Fort de ce large soutien en Hongrie, Viktor Orban n’est aucunement décidé à reculer.

Cette loi dite « Stop Soros » interdit également aux personnes travaillant pour les ONG d’approcher les zones de transit aux frontières hongroises où les demandeurs d’asile sont retenus. Les sanctions vont d’une détention temporaire à un an de prison assorti d’une expulsion du pays. En outre, Viktor Orban a modifié la Constitution hongroise de manière à introduire de nouveaux motifs rendant irrecevable une demande d’asile. Si bien que seules les personnes provenant directement d’un lieu où leur vie et leur liberté sont menacées peuvent déposer une demande d’asile. En pratique, une personne venant de Syrie et transitant par la Turquie, la Grèce, les Balkans n’est pas fondée à déposer une demande d’asile en Hongrie.

Salvini et Orban, de faux amis

Sur ce sujet, les quatre États membres du groupe de Visegrad (Hongrie, Slovaquie, République tchèque et Pologne) sont clairement en rupture avec les droits fondamentaux de l’Union européenne. Au-delà même des aspects humanitaires, il s’agit d’un divorce politique profond et insoluble. Les discussions actuelles au sein du Coreper (l’organe des représentants permanents des 28 au Conseil européen) sur la réforme du règlement de Dublin III se déroulent dans une atmosphère acrimonieuse. Les V4, comme on les appelle, ne veulent absolument pas prendre leur part du fardeau des flux migratoires, quand bien même il s’agirait de réfugiés justifiant la protection de l’asile. Même si elle est désormais dirigée par un gouvernement anti-migrants, l’Italie, qui réclame de l’aide, ne reçoit aucun soutien de la part des V4. Viktor Orban et Matteo Salvini, bien qu’animés des mêmes préventions, sont sur des lignes opposées quand il s’agit de traiter la question migratoire.

« Nous tolérons que certains États membres de l’espace Schengen admettent des migrants, expliquait-il, dans un discours rendant hommage à Helmut Kohl. Cela a et aura des conséquences – y compris sur nous. En attendant, ils devraient tolérer le fait que nous ne souhaitons pas le faire. Ils ne devraient pas nous faire la leçon, ils ne devraient pas nous faire du chantage, ils ne devraient pas nous contraindre, mais ils devraient simplement nous respecter en tant qu’État membre. »

Un isolationnisme d’Europe centrale

Viktor Orban justifie, en outre, sa position en affirmant être une sorte de sentinelle anti-musulmane de l’Europe, protégeant ainsi à la fois ses frontières extérieures et son identité chrétienne. « Mais c’est faux, ça passe quand même en provenance de Hongrie ! » tempête un diplomate du Conseil européen. Le leader hongrois professe, du coup, un retrait de la Hongrie des grands problèmes du monde pour concentrer sa politique sur la défense des intérêts nationaux au sein d’une sphère d’influence qui se limiterait aux quatre pays d’Europe centrale, ceux du V4, avec l’appoint des pays des Balkans, dont il souhaite l’entrée dans l’Union européenne. Cet isolationnisme au centre de l’Europe est explicitement calqué sur l’isolationnisme supposé de Donald Trump. « Nous avons discuté de la différence entre un “beau mur” et une “belle clôture” », plaisantait-il à moitié en référence à une conversation avec le président américain. En toute logique, si les choses devaient en rester là, Viktor Orban se dirige vers une sortie de l’espace Schengen. Il reprendrait ainsi le contrôle total de ses frontières. Mais les Hongrois devraient alors renoncer à la libre circulation en Europe. Ce qui aura un coût.

L’homme fort de Budapest est également menacé de perdre une partie de la manne des fonds structurels qui arrosent le pays et soutiennent son développement économique. Dans le cadre du projet de budget européen multiannuel, la Commission, à l’instigation de la France, propose, en effet, d’assujettir le versement des fonds de cohésion au respect de l’État de droit. Viktor Orban en conçoit une vive amertume et ses relations avec Jean-Claude Juncker – ils se connaissent depuis très longtemps – se sont énormément dégradées ces derniers temps.

L’éloge de Marx qui ne passe pas à Budapest

Le leader hongrois a été particulièrement choqué par la réhabilitation de Karl Marx opérée par Jean-Claude Juncker en mai dernier, dans un discours prononcé à Trêves, la ville de l’auteur du Capital, à l’occasion des 200 ans de sa naissance. Une statue, offerte par la Chine, y a été inaugurée. Le propos du président de la Commission a consisté à plaider qu’il ne fallait pas tenir le philosophe responsable des crimes commis au nom du communisme. Tout simplement inacceptable pour Orban qui a vécu le joug d’un régime communiste dans sa chair. « Les éloges funèbres pour Marx sont restés coincés dans notre gorge et ont fait bouillir notre sang, car, pour nous, c’est incompréhensible, a-t-il bondi. Marx a professé l’abolition de la propriété privée ; il a professé la dissolution des nations ; il a professé l’abolition du modèle familial qui existe depuis mille ans ; il a promu l’abolition de l’Église et de la foi ; et, finalement, il a créé l’antisémitisme moderne, quand il a qualifié les juifs comme la quintessence d’un capitalisme condamné. Comment cela peut-il être louable ? Qui a perdu la tête ? »