La France et la Russie ont effectué dans la nuit de vendredi à samedi une opération humanitaire conjointe vers la Syrie, à destination d’une enclave rebelle reprise par le régime en avril, un première dans le conflit qui ravage le pays depuis 2011.
Un gros porteur Antonov 124 de l’armée russe, chargé de 50 tonnes de matériel médical et biens de première nécessité fournis par la France, a décollé vers 03h00 de l’aéroport de Châteauroux (centre de la France) vers la base russe de Hmeinim, dans l’ouest de la Syrie, a précisé le directeur de l’aéroport, Mark Bottemine, à l’AFP. Cette opération humanitaire conjointe est une première en Syrie entre la Russie, qui a changé la donne en volant militairement au secours du président Bachar al-Assad en 2015, et un pays occidental.
« Dans le cadre de la résolution 2401 du Conseil de sécurité des Nations Unies, ce projet a pour objectif de permettre un meilleur accès de l’aide aux populations civiles », a souligné la présidence française dans un communiqué conjoint franco-russe. L’aide, destinée à la Ghouta orientale, près de Damas, doit être distribuée samedi sous la supervision du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha) des Nations unies, a-t-on précisé vendredi au Quai d’Orsay.
La France a obtenu des « garanties » de la Russie que le régime ne ferait pas obstruction à l’acheminement, comme il le fait régulièrement avec les convois de l’ONU, et que toute « récupération politique » et tout « détournement » du matériel seraient évités, selon Paris. « Les Russes sont intervenus de manière très décisive pour que les autorisations soient délivrées » et que l’aide soit acheminée « dans des délais décents », a-t-on relevé au ministère français des Affaires étrangères.
En quelques heures, équipements médicaux, tentes, kits de cuisine et couvertures – certaines palettes portant la mention « Centre de crise » du ministère français des Affaires étrangères – ont été embarqués dans le ventre béant du cargo, a constaté un photographe de l’AFP.
L’aide fournie par la France s’élève à 400.000 euros. Le matériel médical (antiobiotiques, matériel de réanimation, perfusions, compresses..) est destiné à 500 blessés lourds et 15.000 blessés légers, la Ghouta orientale ayant subi un déluge de feu du régime en mars-avril avant de capituler au bout de cinq ans de siège.
Après Alep, Homs et la Ghouta, Bachar al-Assad poursuit sa reconquête sur le terrain face aux rebelles et djihadistes avec l’aide de la Russie, mais aussi de l’Iran et du Hezbollah libanais. Pour François Heisbourg, président de l’IISS (International Institute for Strategic Studies) de Londres, la France « prend acte avec cette opération du fait que Bachar et la Russie ont gagné militairement ». Paris se défend de son côté de valider d’une quelconque manière une « pax russa » en Syrie. « Ce n’est pas un coup politique, c’est une opération humanitaire », insiste-t-on au Quai d’Orsay.
Le président Emmanuel Macron tente depuis des mois d’impliquer les Occidentaux dans la recherche d’une solution politique sous l’égide de l’ONU. Mais le processus patine, Bachar al-Assad étant d’autant moins enclin à négocier qu’il avance militairement.