Présidentielle au Brésil: le « vilain petit canard » d’extrême droite entre en lice

« Ma candidature est une mission », a affirmé dimanche le sulfureux député brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro, désigné officiellement par son parti pour la présidentielle d’octobre, à laquelle les sondages lui prédisent une place au second tour.

« Je suis ici parce que je crois en vous, et si vous êtes ici c’est parce que vous croyez au Brésil », a-t-il affirmé devant plus de 3.000 militants survoltés, acclamé avec ferveur lors de la convention du Parti Social Libéral (PSL) à Rio de Janeiro, son fief électoral.

« Je sais à quel point je mets l’establishment mal à l’aise. (…) Je suis comme le vilain petit canard, mais je suis sûr que bientôt nous serons beaux », a-t-il affirmé.

À moins de trois mois d’un scrutin qui s’annonce très incertain et polarisé, ce député qui affiche volontiers sa nostalgie de la dictature militaire (1964-1985) suscite un fort rejet de la part d’une partie de la population, écœurée par ses dérapages racistes, misogynes et homophobes.

Mais il est vu par de nombreux de Brésiliens comme le sauveur de la patrie minée par les scandales de corruption à répétition.

« Notre pays est dans un tel état que seul Bolsonaro peut faire la différence. Seul Dieu est notre sauveur, mais Bolsonaro est notre espoir », a déclaré à l’AFP Gilmar Jasset, chauffeur de bus de 35 ans présent lors de la convention du PSL, parti que le député a rejoint en mars.

Le candidat d’extrême droite dispose d’un atout de taille: il est l’une des rares personnalités politiques de premier plan à ne jamais avoir été éclaboussée par les scandales de corruption.

« De quoi nous avons besoin? D’un homme ou d’une femme qui soit honnête, qui ait Dieu dans le coeur et soit un patriote », s’est écrié le candidat devant la foule en délire, qui l’a accueilli aux cris de « mito, mito » (mythe en portugais, son surnom).

Pour la convention, il est parvenu à rassembler un public assez hétéroclites: fans de culture militaire en treillis, conservateurs évangéliques, habitants des quartiers chics, mais aussi des favelas révoltés contre l’insécurité.

« Si quelqu’un veut me voler, il vaut mieux qu’il y réfléchisse à deux fois, parce que je serai armé », affirme Cristiano Pereira, 32 ans, habitant de la violente banlieue nord de Rio, qui a apprécie la « fermeté » de son champion et ses promesses de faciliter l’accès au port d’arme.

Malgré toutes les controverses, Jair Bolsonaro est en tête des intentions de vote pour le premier tour, à moins que l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, en prison depuis avril pour corruption, ne soit autorisé à participer au scrutin, une option jugée peu probable par la plupart des analystes.

Les sondeurs ne voient toutefois pas le candidat d’extrême droite triompher au second tour.

Il a avoué dans un entretien publié dimanche dans le journal O Globo « ne rien y comprendre à l’économie », mais avoir pleine confiance en son gourou en la matière, Paulo Guedes, formé à l’école libérale de l’université de Chicago.

« Reconnaître que je ne comprends pas certaines choses est un signe d’humilité », a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse à l’issue des discours.

Jair Bolsonaro, député d’extrême droite et candidat à la présidentielle, le 22 juillet 2018 à Rio de Janeiro / © AFP / Carl DE SOUZA
Le candidat a affirmé qu’il était favorable aux privatisations, « y compris de certains secteurs de Petrobras », la compagnie pétrolière au coeur d’un vaste scandale de corruption.

Ses prises de positions controversées et son style provocateur lui jouent cependant des tours. Il éprouve ainsi toutes les peines du monde à trouver un vice-président pour composer son ticket, essuyant plusieurs refus successifs.

Il devrait vraisemblablement se rabattre sur Janaina Paschoal, juriste à la personnalité explosive, sans expérience politique, mais célèbre pour le rôle-clé qu’elle a joué en 2016 dans la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff, dauphine de Lula.

Présente lors de la convention, elle s’est dite « honorée » par l’invitation, mais a affirmé qu’elle continuait à « dialoguer » avec le candidat avant d’annoncer sa décision finale.

En l’absence d’alliance avec un grand parti, M. Bolsonaro ne devrait disposer que de huit secondes d’antenne à la télévision pour ses spots de campagne, le temps attribué étant lié au poids de la coalition au Parlement.

De quoi alimenter sa stratégie de rejet des grands médias traditionnels, qu’il accuse de disséminer de fausses informations, pour miser encore plus sur les réseaux sociaux, avec son profil Facebook suivi par plus de 5 millions d’internautes.

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