Migration : A qui sera jetée la bulle ?

Les 28 pays ayant le PIB et le marché le plus important au monde se réunissent jeudi et vendredi pour tenter de trouver une issue à leur « calvaire » migratoire, dans un contexte de tension et de division sur l’accueil et la gestion des migrants, ô combien nécessaires, pourtant, pour assurer les travaux bannis par une bourgeoisie en expansion sur la rive de la Mare–Nostrum.

Le Conseil européen n’est pourtant pas en manque de dossier litigieux. L’euro zone est plus que jamais soumise à des tensions liées à la stabilité financière et à la sécurité économique, surtout après le Brexit et, tout récemment, le déclenchement d’une guerre commerciale par les Etats-Unis de Donald Trump, aux conséquences non encore estimées.

La question migratoire a, au fait, pris le dessus de l’actualité européenne et internationale par l’ampleur de la brouille diplomatique entre l’Italie et la France, deux pays fondateurs et influents dans la construction européenne, au sujet d’un malheureux navire humanitaire, l’Aquarius, transportant quelques 630 migrants racolés çà et là dans la mer.

Cet incident a été la goutte qui a fait déborder la Méditerranée déjà entachée de sang de dizaines de milliers de naufragés désespérés.

Ces migrants continuent, en effet, de perdre la vie en traversant la mer, emportés par un espoir illusoire aussi bien pour eux que pour leurs familles et dont l’échouage ne pouvait passer inaperçu et dont la continuité a bien dérangé les pays d’accueil, au point de tout remettre en question et d’en faire une affaire décisive, aussi bien pour la sécurité de l’Europe que pour l’avenir de son édification sur un principe de solidarité et de partage de risque, selon les propos récemment formulées par le président français Emmanuel Macron.

L’Italie a dit « Basta ! » et fermement clos ses ports devant les embarcations de migration clandestine et humanitaire, notamment en provenance de la rive sud.

La France, qui prépare déjà une nouvelle réglementation favorisant « un meilleur filtrage » des arrivées, a déjà associé l’Allemagne à son approche, plaidant pour une politique migratoire européenne commune, qui verra les lois harmonisées, les risques et la gestion partagée et surtout, qui permettrait de renforcer les frontières de l’Union européenne.

D’autres pays, qui ne sont pas directement exposés aux flux migratoires ont maintenu le silence jusqu’à présent, profitant d’une réglementation conclue à Dublin en 2013 et jetant toute la responsabilité sur le premier pays franchi par l’immigré.

Dans la foulée, le président français est même allé jusqu’au renforcement de la coopération et l’appui au développement des pays émetteurs et de transit de la rive sud, pour atténuer les flux qui, selon les derniers chiffres ont considérablement régressé, -77% au cours des six derniers mois, selon Macron.

Sur ce front, l’Italie était plus directe à la faveur d’une proposition de son président de Conseil des ministres, Giuseppe Conte, qui a avancé l’idée de créer dans le sud libyen une sorte de point d’accueil à l’extérieur des frontières européennes et qui aura à centraliser les demandes d’asile.

Toutefois, même si la Libye a donné un accord de principe, elle n’a pas encore essuyé le scandale du mauvais traitement des migrants africains réduits en esclaves par les passeurs trafiquants en novembre 2017.

Des démarches auraient été faites, discrètement avec tous les pays de la rive sud, dont certains ont immédiatement réagi.

L’Algérie, par exemple, a catégoriquement refusé toute sorte de « hot spot » sur son territoire. « Il est exclu que l’Algérie ouvre une quelconque zone de rétention », a déclaré le chef de la diplomatie algérienne dans une interview accordée à un média français et reprise par son agence officielle.

« Nous sommes déjà confrontés aux mêmes problèmes. Nous procédons à des reconductions, mais nous le faisons selon des arrangements que nous avons avec les pays voisins », a ainsi expliqué Abdelkader Messahel, ministre algérien des AE.

Idem pour la Tunisie. « Nous ne pouvons assumer la responsabilité de l’afflux de migrants irréguliers, sur les côtes sud de l’Europe… Nous endossons, uniquement, la responsabilité des Tunisiens », a laissé entendre le ministre tunisien des Affaires étrangères Khemaïs Jhinaoui, au micro d’un média londonien.

Où vont donc être acheminés les migrants ?

Sous la pression d’une opinion aguerrie par la présence, parfois nuisible de migrants africains, doublée d’une phobie liée à l’appartenance religieuse, les dirigeants européens songeraient peut-être à la capitale nigérienne Niamey, un point de rassemblement déjà opérationnel et qui a déjà fait ses preuves dans le rapatriement de centaines d’africains en situation de détresse au bon milieu de leur aventure migratoire.

Dans une analyse du journal Le Monde titrée « Le Niger, sous-traitant de la politique migratoire de l’Europe », Christophe Chatelot a souligné que « Depuis plusieurs mois, ce pays de transit de migrants expérimente en effet déjà ce système que la plupart de ses voisins se refusent à mettre en place ».

« Lors du sommet Europe-Afrique consacré, à l’automne 2015 à La Valette, aux questions migratoires, le Niger avait déjà fait cavalier seul sur ce sujet, au risque d’apparaître dans la presse nigérienne comme le [gendarme africain des Européens] », a rappelé le journaliste.

Certes, le sommet de Bruxelles qui se tient les 28 et 29 courants, ne manquera de trouver des compromis sur la question migratoire en défendant, sans le moindre doute les intérêts des populations européennes.

Mais la grande question qui sera toujours d’actualité en l’absence d’un vrai co-développement équitable entre le nord et le sud, à quoi bon de déplacer une bulle qui ne cesse d’augmenter en volume alors que les enjeux et les intérêts sont aujourd’hui universels et transfrontaliers ?