Le tête-à-tête dans le Bureau ovale s’annonce tendu: Donald Trump reçoit mercredi le chef de l’exécutif européen Jean-Claude Juncker, qui se dit lui-même pas très optimiste, au moment où la guerre commerciale déclenchée par le président américain fait grincer des dents jusque dans son propre camp.
« Nous signifions clairement que nous ne sommes pas les ennemis des Etats-Unis, nous avons un passé commun qu’on ne doit pas oublier. (Mais) je ne suis pas excessivement optimiste », a affirmé M. Juncker avant la rencontre à la chaîne allemande ZDF, tout en soulignant savoir « comment s’y prendre » avec le locataire de la Maison Blanche, assurant que les pourparlers seront « d’égal à égal ».
« Si on en arrive à des droits de douanes (américains) sur l’automobile (européenne), alors l’UE devra prendre des mesures de rétorsions (…) nous sommes en mesure de répondre de manière adéquate et immédiate », a-t-il mis en garde.
Autre preuve des turbulences liées au bras de fer engagé par le président américain: son administration vient d’annoncer une aide d’urgence de 12 milliards de dollars destinée aux agriculteurs touchés par les représailles aux tarifs douaniers décrétés par Washington visant la Chine, l’Union européenne ou encore le Canada.
« Tueur brutal »
Dans ce contexte, la rencontre entre le magnat de l’immobilier, à la Maison Blanche depuis 18 mois, et le Luxembourgeois, à la tête de la Commission européenne depuis 2014, s’annonce particulièrement délicate.
Connu pour son franc-parler –et son humour– le chef de l’exécutif européen a raconté que M. Trump lui avait dit, à l’occasion du dernier G7: « Jean-Claude, tu es un tueur brutal ». « Je pense qu’il a dit cela comme un compliment mais je n’en suis pas sûr… », a-t-il ajouté.
Donald Trump menace régulièrement de franchir un nouveau cap en l’absence de concessions de la part de Bruxelles: imposer des droits de douane sur les importations de voitures européennes, ce qui inquiète particulièrement l’Allemagne, où ce secteur clé emploie quelque 800.000 personnes.
Avant son départ, Cecilia Malmström, la Commissaire européenne au Commerce, qui accompagnera M. Juncker dans la capitale fédérale américaine, a exprimé l’espoir d’une « désescalade ».
Mais peu de signaux pointent dans ce sens.
A la veille de la rencontre, le locataire de la Maison Blanche a une nouvelle fois dénoncé l’attitude de l’Europe à laquelle il réserve depuis plusieurs mois ses flèches les plus aiguisées.
« Ce que nous fait l’Union européenne est incroyable (…) Ils ont l’air gentils, mais ils sont durs », a-t-il lancé depuis Kansas City, dans le Missouri, promettant de défendre avec vigueur les intérêts de l’Amérique lors de sa rencontre avec le président de la Commission européenne.
« Tout ira bien »
D’un tweet, il a de nouveau ironisé, comme il l’avait déjà fait au G7, sur le manque d’audace présumé des partenaires des Etats-Unis, proposant que tout le monde abandonne « tous les tarifs douaniers, les barrières non-tarifaires et les subventions ».
« Cela serait véritablement le libre-échange ! J’espère qu’ils le feront, nous sommes prêts, mais ils ne le feront pas ! », a-t-il ajouté.
Se réjouissant, sur le ton volontiers provocateur qu’il affectionne, que les pays visés par les tarifs douaniers « viennent tous à Washington pour négocier », Donald Trump martèle que sa stratégie finira pas porter ses fruits et que « tout ira bien ».
Mais l’approche est loin de faire l’unanimité dans le camp républicain, traditionnellement favorable au libre-échange.
« Je ne pense pas que les tarifs douaniers soient la bonne réponse », a lâché mardi le chef des républicains à la Chambre des représentants, Paul Ryan.
Ce dernier est originaire du Wisconsin, Etat qui abrite le siège de Harley-Davidson. Le célèbre constructeur de motos a averti sans détour que la guerre commerciale entre les Etats-Unis et ses partenaires allait rogner ses marges en 2018.
Comme lui, nombre d’élus du « Grand Old Party » s’inquiète de l’impact possible de la croisade présidentielle sur les élections de mi-mandat prévues en novembre.
John Thune, sénateur républicain du Dakota du Sud, a vu dans l’annonce du plan de 12 milliards de dollars la preuve que la politique agressive de Donald Trump au nom de « L’Amérique d’abord », provoquait « de nombreux dommages collatéraux ».