Minée par l’hyperinflation, les sanctions et l’échec des réformes monétaires, la devise iranienne a rompu le lien de confiance avec sa population.
Face aux sanctions, l’Iran a décidé de libéraliser son marché des changes, quelques mois après avoir tenté en vain de le reprendre en mains. C’est la loi de l’offre et de la demande qui va désormais fixer la valeur du rial iranien, à l’exception des produits de première nécessité (aliments, médicaments), qui bénéficient toujours du taux de change officiel fixe de 44.000 rials par dollar. La libéralisation, toute relative, vise à soutenir une monnaie qui a perdu l’essentiel de sa valeur. Les particuliers pourront échanger leurs rials contre des dollars mais pour des montants limités et s’ils justifient leurs transactions (dépenses médicales, voyage à l’étranger, frais de scolarité…).
Hyperinflation galopante
Sur le marché noir, le dollar s’échange autour de 95.000 rials par dollar. Après avoir dépassé la barre des 100.000 rials fin juillet, il avait établi récemment un record à 119.000. Le 28 juillet, la devise iranienne a connu un krach, une chute journalière de 12,5 %. Elle a perdu près de la moitié de sa valeur sur le marché noir depuis la réforme monétaire décidée en avril visant à unifier les taux de change du pays, s’adosser au dollar et restaurer la confiance dans la monnaie. Un échec qui a précipité le plongeon du rial.
« Spirale de la mort »
La situation économique et financière a empiré depuis la réforme d’avril. L’inflation annuelle est de l’ordre de 190 % et non pas de 10 %, le taux officiel, selon les estimations de Steve Hanke, économiste à la Johns Hopkins University et au Cato Institute. Le rial est entré « dans la spirale de la mort », comme en 2012 lorsque l’administration Obama imposa de nouvelles sanctions au pays du fait de son programme nucléaire.
Fin juin, des bureaux de change du grand bazar de Téhéran avaient fait grève pour protester contre l’effondrement de la devise et son impact néfaste sur leurs activités. Un grand nombre de bureaux de changes avaient été fermés dans le pays en avril. Ils étaient accusés par le pouvoir d’alimenter la spéculation. Ils pourront rouvrir, mais seront contrôlés de près par les autorités.
La défiance à l’égard du rial alimente les troubles sociaux et le mécontentement de la population. En début d’année, 63 % des Iraniens déclaraient que la mauvaise gestion économique et la corruption étaient les principaux problèmes affectant l’économie. Seulement 32 % mettaient en avant les sanctions. Le pays a nommé un nouveau gouverneur de sa banque centrale, après avoir limogé son prédécesseur, jugé incapable de gérer la crise financière. Des responsables de l’activité des changes de l’institution monétaire ont été arrêtés, suspectés de corruption et d’enrichissement personnel. Désormais interdite d’acheter des dollars, la banque centrale va devoir diversifier, dans d’autres monnaies que le billet vert, ses réserves de changes, estimées à 130 milliards de dollars en 2017 par le Fonds monétaire international.
Actifs refuge
Le gouvernement a fixé à 10.000 euros (11.600 dollars) les liquidités que les particuliers peuvent détenir en dehors du système bancaire. Dans les bureaux de change des aéroports, les Iraniens peuvent retirer entre 500 et 1.000 euros selon leur destination. Le pays veut en effet contrôler les fuites de capitaux. Début mai, le responsable de la commission économique du parlement iranien avait évalué à 2,5 milliards de dollars les sommes qui ont quitté le pays pour s’investir sur les devises cryptographiques comme le bitcoin. Le pays a interdit à ses banques de se lancer dans ce secteur. Comme le Venezuela , le pays voudra peut-être lancer sa propre devise 2.0 pour tenter de contourner les sanctions américaines et surfer sur l’engouement pour les « ICO » (levées de fonds en cryptomonnaies).
Les particuliers recherchent d’autres réserves de valeur et placements pour protéger leur épargne. L’or fait figure de placement refuge contre l’hyperinflation et connaît un regain d’intérêt dans le pays. La demande d’or (pièces, lingots) a triplé dans le pays au second trimestre et d’une année sur l’autre.